« Notre périple a commencé il y a huit ans, lorsque mon fils a montré de l'agressivité envers sa sœur nouveau-née. Son pédiatre nous a indiqué alors qu'il faudrait voir un pédo-psychiatre. Après trois séances, le diagnostic est tombé : « Votre enfant est atteint du trouble du spectre autistique ». En effet, Salah présentait trois signes qui ne trompent pas : jeu anormal, retard du langage et fuite de regard », raconte Rédouane, père de Salah, 10 ans. Mais ce n'était pas la dernière « surprise » pour les parents qui vont apprendre par la suite que « c'était grave », comme l'explique le père. « Mais une prise en charge précoce de quelques années peut faire disparaître les signes et l'enfant pourra vivre une vie normale », s'accroche Rédouane qui raconte comment l'espoir de la famille s'est progressivement effrité face « au manque de structures spécialisées et à la saturation du peu de structures existantes ». Ne se laissant guère démonter, les parents de Salah feront toutefois de leur mieux pour aider leur enfant à « se rétablir ». « Nous dépensions une fortune au Maroc et à l'étranger, entre les médecins, les analyses, les traitements, les thérapies, les programmes... bref tout ce qui est connu avec l'espoir qu'un jour on trouvera le traitement miracle », ajoute le père. « Une priorité nationale » Un chemin de croix que des milliers de familles doivent emprunter chaque jour pour aider leurs enfants à « retrouver une vie normale». « Au Maroc, une naissance sur 50, soit 14.000 enfants naissent autistes chaque année. Au total, 740.000 personnes dont 280.000 enfants sont concernées... pourtant Zéro parcours de soins structuré, une errance diagnostique et des familles mal orientées et épuisées par l'isolement », note l'association Vaincre l'autisme dans son rapport 2025. « Il est temps pour le Maroc de faire de l'autisme une priorité nationale. Laisser un enfant se détériorer sous le poids de l'autisme, c'est la plus grande violence qu'on puisse lui infliger », déplore M'Hammed Sajidi, président fondateur de Vaincre l'autisme et père d'un enfant autiste. D'après l'activiste le Maroc accuse un énorme retard en matière de prise en charge de ce problème de santé publique. Une prise en charge adaptée pour une vie "normale" « Absence de stratégie nationale, exclusion des enfants autistes du système de soins et éducatif, pénurie de structures spécialisées, avec ce rapport nous appelons à une mobilisation immédiate », ajoute Sajidi. Donnant la parole aux familles, le rapport dresse un bilan vivant de la situation des enfants autistes. Un trouble qui au-delà de sa particularité et sa complexité, nécessite une prise en charge spéciale et personnalisée. Grande ampleur « L'erreur c'est de ne pas reconnaître que chaque enfant autiste est unique. Aucune méthode universelle, aucun protocole standardisé ne peut répondre à leurs besoins spécifiques. L'approche doit être individualisée : c'est à chaque parent, chaque professionnel, chaque médecin ou spécialiste de s'adapter à la personnalité de l'enfant, et non l'inverse », explique le président de Vaincre l'autisme. Ce dernier insiste par ailleurs sur l'ampleur du problème qui reste loin d'être un phénomène isolé. « L'autisme n'est pas un épiphénomène. Avec les taux de prévalence actuels, chaque famille peut, demain, y être confrontée. L'absence de reconnaissance médicale a de graves conséquences : Un accès difficile aux soins somatiques, la diffusion de traitements dits « alternatifs » souvent dangereux, et une mortalité précoce inacceptable », argumente Sajidi. Recommandations Pour mieux lutter contre l'autisme, l'association conclut son rapport alarmant en formulant 10 recommandations pour changer la situation. A commencer par la création d'un Comité national de l'autisme pour coordonner les politiques publiques et l'adoption d'un cadre législatif structurant. L'association recommande également la mise en place d'une étude épidémiologique et l'ouverture de centres de référence pour le diagnostic, aux niveaux national et régional. Ce qui implique la formation spécialisée de professionnels de santé et d'éducation. Selon l'association, les familles devraient également bénéficier d'un soutien concret sous forme d'aides financières, orientation et accompagnement. Elle recommande également la mise en place d'un Observatoire national pour suivre les données et les progrès, la création d'un institut de recherche dédié à l'autisme et le développement de structures de prise en charge. « L'Etat doit lancer un fonds national dédié à l'autisme pour financer ces initiatives d'intérêt public », conclut l'association.