« Comprendre les évolutions sociétales constitue pour l'Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) un domaine de veille stratégique d'importance majeure, dans le but de cerner les dynamiques à l'œuvre dans la société marocaine, particulièrement, en termes d'évolution des liens sociaux et du système des valeurs, de conditions d'un vivre-ensemble pacifié et de rapports aux institutions », introduisent les auteurs de l'étude. Capitalisant sur les données recueillies et sur les analyses effectuées lors des enquêtes de 2011 et de 2016, cette troisième édition a permis selon l'IRES d'accumuler une connaissance approfondie de la société marocaine permettant un meilleur éclairage des choix stratégiques du Royaume. Réalisée dans le cadre du programme d'études « Lien social au Maroc : quel rôle pour l'Etat et l'ensemble des acteurs sociaux ? », l'enquête a été menée entre décembre 2022 et février 2023, auprès d'un échantillon de 6 000 personnes. Ses résultats montrent que la confiance placée par les Marocains en leurs institutions souveraines a atteint un score de 6,7 sur 10, en hausse par rapport aux éditions précédentes de 2011 et 2016. Toujours selon les résultats de cette enquête, les institutions éducatives bénéficient du taux de confiance le plus élevé avec 7,2 sur 10, tandis que la société civile enregistre le score le plus bas avec 5 points seulement. La confiance dans les institutions représentatives, bien qu'en légère amélioration depuis 2011, reste « fragile », illustrant une difficulté persistante à asseoir leur légitimité auprès des citoyens. Méfiance L'enquête révèle une défiance sociale marquée : 80 % des Marocains estiment que les autres ne sont pas dignes de confiance, tandis que seuls 20 % pensent que « la plupart des gens sont fiables ». Pourtant, ce chiffre reste en amélioration par rapport à 2011, où ils n'étaient que 5 % à partager cet avis, suggérant une évolution positive, bien que lente. L'enquête note une amélioration du sentiment de sécurité parmi les citoyens. La perception de la sécurité a connu ainsi une nette amélioration : 84,7 % des sondés déclarent se sentir en sécurité dans leur environnement, contre une proportion plus importante de personnes inquiètes lors des précédentes éditions de l'étude. À l'inverse, le sentiment d'insécurité a significativement reculé. Réseaux sociaux Si la sécurité physique semble moins préoccupante, le monde numérique suscite davantage d'inquiétudes pour les Marocains. Plus de 70 % des Marocains estiment que les réseaux sociaux menacent la cohésion sociale tandis que 85 % pensent qu'ils facilitent la diffusion de fausses informations. Ce constat souligne une prise de conscience croissante des effets « pervers » de l'espace digital sur le débat public et les interactions sociales. Sur le plan économique, les avis restent mitigés : 37 % des Marocains affichent une confiance modérée dans l'évolution économique du pays à moyen terme (5 ans), 45 % restent indécis sur l'avenir de l'économie marocaine et 18 % se montrent pessimistes, exprimant des craintes quant à la situation économique future. Par ailleurs, 84 % des sondés redoutent les répercussions des crises mondiales sur leur quotidien tandis que 16 % pensent que ces bouleversements auront peu d'impact sur leur avenir. Unité territoriale L'enquête confirme que l'identité marocaine repose principalement sur l'attachement à l'unité territoriale du pays, cité en premier par une majorité de sondés. L'appartenance à l'islam reste également un facteur clé de l'identité nationale. Les Marocains accordent un intérêt prononcé à la langue amazighe et le score a considérablement progressé, par rapport aux éditions précédentes, en atteignant un score de 6 points sur 10. Sur le volet linguistique, 50,8 % des Marocains déclarent alterner entre plusieurs langues dans leur quotidien, tandis que 49,2 % privilégient une seule langue. Concernant l'éducation, 73,5 % des sondés favorisent l'arabe classique comme langue principale d'enseignement, bien que cette proportion ait diminué par rapport à 2016. L'amazigh, en revanche, est soutenu par 5 % des répondants comme langue d'enseignement prioritaire. Obstacles Les Marocains identifient plusieurs freins majeurs à une vie harmonieuse et à une meilleure cohésion sociale. La pauvreté, l'injustice sociale, la corruption et l'opportunisme arrivent en tête de leurs préoccupations. Le manque de civisme et l'extrémisme religieux sont perçus comme des obstacles secondaires, arrivant en bas de la liste des entraves au vivre-ensemble.