Si comme le soutien Ahmed Lahlimi, le Haut commissaire au Plan, «tout apport à une meilleure connaissance de cette catégorie de la population, qu'est la jeunesse, est une contribution à un éclairage utile pour les politiques économiques et sociales, voire aux débats sur un modèle de société pour l'avenir», les autorités sont bien servies en la matière. Ce n'est en tout cas pas les études qui vont faire défaut par rapport aux différentes problématiques liées à la jeunesse, surtout dans le contexte actuel. La dernière étude du HCP sur les jeunes marocains, dont les conclusions préliminaires ont été dévoilées vendredi dernier à Rabat, apporte un nouvel éclairage par rapport aux différents aspects de cette question. Outre le fait que l'étude a porté plus loin que d'autres de la même catégorie en analysant d'autres aspects que ceux liés aux conditions socioéconomiques des jeunes, elle actualise les appréhensions déjà largement connues, puisque ébauchées par des enquêtes partielles comme Bidaya commandée par l'ancien ministre de la Jeunesse, Moncef Belkhayat et qui avait en son temps, déjà fait couler beaucoup d'encre. L'enquête du HCP a été réalisée en juin 2011, c'est-à-dire en pleine amorce du processus de réformes politiques et socioéconomiques engagées par le Maroc et qui ont accru les espoirs. C'est d'ailleurs, la première impression qui se dégage de la lecture de l'enquête du HCP, les préoccupations actuelles des jeunes marocains sont, dans une large mesure celles de tous les citoyens marocains. Priorités Le principal défi pour les jeunes concerne, à l'heure actuelle, l'emploi. Cette équation est assez complexe pour le gouvernement et constitue selon la Banque mondiale, une véritable bombe à retardement, rejoignant ainsi les conclusions de la Banque africaine de développement (BAD). Un défi pour la région MENA selon l'Organisation internationale du travail, dans son dernier rapport annuel publié au mois de mai. Il n'y a pas que les institutions internationales et le gouvernement qui sont conscients du phénomène mais les jeunes aussi puisque concernant leurs priorités, les jeunes citent en premier lieu l'emploi et l'égalité des chances pour y accéder, tels qu'avancés par 96% des jeunes. La réforme de l'enseignement et de l'habitat décent arrivent en troisième position des priorités, suivies par l'amélioration des services de santé et le respect des droits de l'homme. Incertitudes sur l'avenir Les jeunes demeurent, en plus, incertains sur leur avenir. Les principales causes, la cherté de la vie évidemment pour 84% d'entre eux, le chômage ensuite et la baisse des ressources enfin sont les principales préoccupations des jeunes, selon les données du HCP. Il faut dire que, dans leur large majorité, «les jeunes marocains s'identifient majoritairement à la classe moyenne». Selon le HCP, plus d'un jeune sur deux, 52%, pensent y appartenir contre 46% qui s'identifient plutôt à la classe modeste. Interrogés sur l'évolution de leur niveau de vie au cours des dix dernières années, 45% des jeunes perçoivent une amélioration contre 32% qui font état d'une stabilité et 21% estiment que les conditions de vie se sont plutôt détériorées. L'amélioration est perçue par 49% des 18-24 ans contre 43% des 35-44 ans. Pour le HCP, «cette appréciation positive de l'évolution du niveau de vie s'accompagne d'un large consensus parmi les jeunes sur l'augmentation des inégalités sociales et la détérioration de la solidarité familiale». Dans l'ensemble donc, la compilation des différentes inquiétudes de l'heure pour les jeunes marocains, interpelle principalement les pouvoirs publics et les partis politiques. Or, ce que l'étude a également révélé, c'est que la confiance s'effrite de plus en plus entre les institutions étatiques et les citoyens. Si un jeune sondé sur deux considère que «la pratique démocratique s'est améliorée au Maroc» ces dernières années, «les jeunes marocains accordent peu d'intérêt à la chose publique». En effet, seuls 1% des jeunes adhèrent à un parti politique, 4% participent aux rencontres de partis politiques ou de syndicats, 1% sont membres actifs d'un syndicat, 4% participent à des manifestations sociales ou des grèves et 9% participent à des activités de bénévolat. Ce qui n'empêche pas pour autant les jeunes de participer aux activités politiques à leur manière. Plus d'un tiers ont déclaré participer aux élections «de façon régulière». La perte de confiance à l'égard des différentes institutions se ressent principalement en milieu urbain. En dépit de la mauvaise réputation qu'elles traînent, la justice et la presse suscitent plus de confiance chez les jeunes que le gouvernement ou même le Parlement. Les partis politiques et les collectivités locales enregistrent les plus mauvais scores à ce niveau. C'est un point important pour les partis politiques qui ont intérêt à restaurer leur image, en profitant de la dynamique actuelle de régénération des élites et des pratiques politiques. Les jeunes constituent, en effet, un important vivier électoral.