Âgée à peine de 15 ans, une adolescente est morte après inhalation d'une dose du gaz hilarant. « Happy balloon », « Proto » ou « Neffakha » pour les intimes, le protoxyde d'azote ou le gaz hilarant est de plus en plus prisé par les jeunes fêtards marocains. Pour une dose d'euphorie ponctuelle, ils mettent leur santé et leur vie en danger. L'Observateur du Maroc et d'Afrique a déjà lancé une alerte, il y un an (24 février 2024), à propos du détournement de ce gaz de son usage médical et culinaire et sa transformation en drogue dangereuse voire mortelle. ( Lire notre enquête « Les jeunes marocains planent avec «Neffakha») Anesthésique cancérigène « Le protoxyde d'azote (molécule N2O) est un gaz incolore et inodore employé en médecine pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques. Son usage est réglementé. Il est normalement conditionné sous forme de bonbonnes de grand volume. Il est utilisé en milieu hospitalier notamment dans les services d'urgences ou de pédiatrie, combiné à l'oxygène », explique à l'Observateur du Maroc et d'Afrique Dr Jamal Eddine Kohen, Président de la Société marocaine d'anesthésie, d'analgésie et de réanimation (SMAAR). S'il y a quelques années, il était obligatoire d'être équipé de circuits dédiés à ce gaz avant l'ouverture de tout site hospitalier, aujourd'hui l'usage du Protoxyde est largement limité voir absent en anesthésie, comme l'explique le président de la SMAAR. La cause ? « Il est utilisé parfois en sédation en Urgences ou en pédiatrie. Cette utilisation très réduite s'explique par les effets toxiques et néfastes avérés de ce gaz surtout en exposition prolongée chez le personnel médical », nous explique Dr Kohen. Cancerigène, le protoxyde pourrait également provoquer des malformations comme l'explique le spécialiste. Mésusage Gaz médical dont la manipulation est assez délicate, le protoxyde d'azote est transformé par des trafiquants en « Happy Balloon », une drogue « à portée de main » de jeunes consommateurs. « Il faut dire que les trafiquants arrivent toujours à détourner des substances médicales en synthétisant des molécules similaires ou en faisant appel à des procédés chimiques pour potentialiser l'action initiale et provoquer l'effet euphorisant, comme c'est le cas pour le protoxyde d'Azote. Résultat : Un produit bon marché et à la portée », explique le président de la SMAAR. Une euphorie artificielle qui peut coûter très cher... Les premiers résultats de l'enquête menée par la police judiciaire d'Aïn Chock, suite au décès de la jeune fille, révèlent que parmi les principaux suspects dans cette affaires figurent le propriétaire d'un commerce et son assistant accusés de vente illégale de substances toxiques. Lors des perquisitions, les policiers ont saisi plusieurs bouteilles de gaz de 250 ml ainsi que des ballons en plastique utilisés pour l'inhalation. Pour rappel, le 27 juillet 2024, la direction de la sûreté de Tanger a mené une opération marquante contre le trafic de gaz hilarant. Ce jour-là, deux individus ont été arrêtés en possession de 594 flacons de protoxyde d'azote. Usage culinaire, un subterfuge Autre fait surprenant à propos du gaz multi-usage incriminé et qui le rend « accessible » et en « vente libre » dans les commerces et les bureaux de tabac : En plus de son usage médical, le protoxyde est également utilisé en cuisine, plus précisément en pâtisserie. C'est ce subterfuge qui est souvent utilisé par les consommateurs cherchant à se procurer leur dose « sans embarras ». Le Proto est également commercialisé comme gaz de compression dans les cartouches pour siphon à chantilly. Nous l'avons trouvé en vente aussi sur internet ce vendredi 14 février : Exemple d'annonce trouvé, vendredi 14 véfrier, sur le web Soupçonnées par Dr Kouhen d'arriver sur le marché marocain par voie de contrebande, les capsules de protoxyde d'azoteont ont fait l'objet d'une circulaire de l'Administration des douanes et des impôts indirects datant du 16 août 2022 (Circulaire N° 6359 311). Cet arrêté désigne le Protoxyde en capsules comme faisant partie des marchandises soumises à des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation. Une restriction qui tente de limiter le flux du gaz hilarant et d'assurer sa traçabilité sur le « marché » marocain. Plusieurs opérations d'interception et de saisie d'importants lots de ce gaz hilarant ont été effectuées depuis cette date par les services de la sûreté et de la douane, au port Tanger Med et ailleurs. Danger de mort Déjà en 2015, le Centre antipoison du Maroc (CAPM) mettait en garde contre l'utilisation récréative du gaz hilarant. Dans une alerte spéciale, le Centre s'alarmait par rapport aux dangers et aux risques de ce produit pour la santé humaine. Le Proto peut provoquer des rires incontrôlés, une sensation d'ébriété, des distorsions auditives ou visuelles. L'inhalation de ce gaz peut entraîner des intoxications aigues voire des complications plus graves sur le court et le long terme, comme nous le confirme Dr Kohen. Anxiété, panique, vertiges ou encore les céphalées aigues et la faiblesse musculaire... mais ce ne sont pas les seuls effets néfastes énumérés par le CAPM. On peut même en mourir ! Le centre met en garde contre d'autres effets beaucoup plus nocifs tels l'hyperthermie maligne, la perte de conscience, l'arrêt cardiaque chez les personnes souffrant de problèmes cardiovasculaires avec risque élevé de décès. A forte dose, le proto peut provoquer une hypoxie (manque d'oxygène) pouvant entraîner la mort. Dix ans après cette alerte, la consommation de ce gaz fait une nouvelle victime. Le danger persiste donc. Lire aussi Les jeunes marocains planent avec Neffakha - L'Observateur