C'est une erreur, nous semble-t-il, que dans l'affaire palestinienne, il faille rester dans la seule perspective américaine pour essayer de frayer sérieusement une voie vers «une solution juste et équitable». Les Etats-Unis d'Amérique, en cette deuxième décennie du XXIe siècle qui va dans quelques mois débuter, sont certes pour le moment la puissance unipolaire sinon actuellement incontestable, du moins incontestée, mais sa position au plan international n'est pas plus assurée que cela, ne serait-ce qu'en raison de ses sentiments dans cette guerre absurde qu'elle a enclenchée en Irak et dans cet innommable bourbier qu'est l'Afghanistan (et le Pakistan). Malgré le regain certain de crédibilité acquis par Washington depuis l'élection de Barack Obama à la présidence américaine, quoique cela commence à être quelque peu doucement érodé par l'éruption du facteur réalité, on se rend compte tous les jours que l'omnipotence de ce pays devient de plus en plus un vain mot. Ni dans le dossier iranien, ni dans les conclaves mondiaux (G20 par exemple), ni dans aucune autre problématique, la voix de l'Amérique n'arrive à imposer son autorité, au moins arbitrale. L'imperium américain du siècle dernier est remisé dans les archives de l'Histoire. Il laisse place à un honorable super primus inter pares, qui doit tenir compte constamment de la place prééminente des autres puissances de la planète mondialisée et rétrécie du troisième millénaire qui s'est amorcé - et qui se réaménage. Compter sur la seule Amérique est une dangereuse illusion qui ne peut mener que vers une déconvenue tragique. Principalement pour la Palestine ainsi que pour tout le Proche (et Moyen) Orient par voie de conséquence concomitante. Sûrement aussi pour Israël, mais c'est là un autre aspect, étranger au problème qui nous intéresse ici. Pour le moment, si on se demande ce que fait le Président Obama pour parvenir à clore, enfin, ce conflit vieux d'un siècle, puisque déjà avant la Grande Guerre de 14-18, les feux dans ce qui allait devenir un foyer couvaient avec incandescence pour s'enflammer, de la manière que l'on sait, lors de la «nakba» au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en 1949. Si l'on tente, aujourd'hui, de faire le point sur ce conflit très particulier, mais majeur à plus d'un titre, force est de constater que la situation n'est guère brillante - pour s'exprimer en litote, ce qui est la manière dont les choses sont dites partout dans le monde : à l'ONU, dans les chancelleries du monde, sauf bien sûr chez les Palestiniens de l'Autorité ou du Hamas ainsi qu'à Téhéran. Relevons au passage que même ces derniers s'en remettent implicitement à Washington pour la conduite, sinon pour la résolution de l'affaire palestinienne - au-delà des anathèmes circonstanciels anti-israéliens. Il fut un temps, il y a quelques années à peine, où sous l'égide des Nations Unies, un quatuor avait été installé pour mener la grande négociation autour du Proche Orient. Y participaient à côté du Nord-Américain, l'Union européenne, la Russie et l'ONU. Par usure et peut-être par désintérêt négligeant, les Etats-Unis sont restés seuls à cet attelage et n'ont cessé de ponctuer l'actualité de déclarations, rarement fermées, mais toujours lénifiantes dont les meilleures énonçaient des principes tendant à tenir la balance égale entre les deux principaux protagonistes, ménageant la chèvre et le chou. Une grande plage de silence s'était installée quand Israël avait décidé de passer Ghazza au rouleau compresseur après l'avoir impitoyablement pilonnée. Les faucons de Tel-Aviv avaient judicieusement choisi, profitant astucieusement du gap que permettait l'absence momentanée de l'exécutif américain, entre la deuxième semaine de novembre 2008 à la mi-janvier 2009. Pendant toute cette période, Tsahal fit son abject boulot, imperturbable, pour le finir juste quelques jours avant que le nouveau locataire de la Maison Blanche, Barack Obama, ne s'y installe. Cette stratégie de l'initiative, et du choix du moment d'attaquer et du jour de s'arrêter, est une marque distinctive des guerres menées par les Israéliens depuis de nombreuses décennies, bien avant même la fondation officielle de l'Etat hébreu, proclamé par les dirigeants sionistes David Ben Gourion et Golda Meir. Une seule exception à cette série a peut-être été l'opération menée par le Président Anouar Sadate, lors d'un 10 ramadan de digne mémoire. Il est de fait que face au monde arabe, «l'ennemi sioniste» n'a fait qu'enregistrer victoire sur victoire, rappelant, de manière surprenante, l'histoire antique à Rome de la joute-confrontation entre les Horaces et les Curiaces. Si on y réfléchit quelque peu, Israël paraissait David face aux Arabes Goliath (c'est ainsi que l'imagerie d'Epinal s'est longtemps complu à décrire les choses), éliminant ses divers ennemis en les prenant un à un à tour de rôle : Egypte, Jordanie, Liban, Syrie et autres pays arabes moins coriaces apparemment. Les défaites que fait subir Israël, depuis 1949 jusqu'au début du vingtième et unième siècle, sont constamment sanctionnées par des gains politico-diplomatiques dont l'objectif avéré est de raffermir solidement la position, à tous les niveaux, d'une entité qui vient de fêter le soixantième anniversaire de sa création. Bien sûr, on ne saurait oublier le formidable soutien de la grande majorité des juifs de par le monde qui se sont dépensés sans compter, idéologiquement, politiquement, matériellement, sentimentalement et je ne sais par quels autres procédés, un peu partout dans le monde, surtout occidental et nord-américain. Le résultat le plus clair de cette aventure des temps modernes contemporains est que les dirigeants actuels d'Israël, ainsi d'ailleurs que leur opposition, se retrouvent face à un seul et unique adversaire sérieux : les Palestiniens. Ces gens que beaucoup considèrent avec morgue comme une peuplade de bédouins, vivier du terrorisme brutal et foncièrement incapables de fonder ne serait-ce qu'un ersatz d'Etat rationnel, centralisé et cohérent. Le schisme grave, né des dissensions, souvent aux effets spectaculaires, entre les fondamentalistes du Hamas et les laïcs principalement regroupés autour du Fatah, est exploité par un Israël qui remet aux calendes grecques l'idée de l'Etat national indépendant selon les normes internationalement déterminées. La droite installée au pouvoir depuis les dernières élections israéliennes a propulsé au sommet de l'Etat le duo Netanyahou (Likoud) et Liebermann (Israil Beytouna), qui mènent une offensive froidement planifiée, par extension de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est par exemple, pour ne faire, pour les Palestiniens, qu'un home au mieux sous forme de protectorat La Palestine, pour nous Marocains, Arabes et démocrates de par le monde, doit demeurer à l'esprit continûment et dans le cur en permanence. Sans répit et avec constance. Comment cela ? Nous essayerons de voir cela, prochainement. A suivre