15 ans après avoir fui l'Iran, Zar Amir interprète une réfugiée afghane dans "Les Survivants" de Guillaume Renusson. Un film qui lui a permis, dit-elle, faire « le deuil de son pays comme immigrée, pour tout ce qu'elle a laissé derrière". L'actrice se dit « optimiste » pour ce qu'elle appelle une « révolution » en Iran. Pour elle, il n'y a aucun doute, il y a un avant et un après Masha Amini. En tant que membre du jury, quels sont les films qui vous touchent le plus ? Moi je suis assez ouverte. En matière de cinéma, j'ai un goût assez large. Tout peut me toucher et me faire pleurer, mais en tant que cinéaste, réalisatrice, productrice et directrice de casting, j'ai un regard critique. Pour moi, un bon film, c'est un film qui est bien fait techniquement, mais il doit aussi me touche émotionnellement. Il faut qu'il y ait une rencontre entre une histoire touchante et un film réussi techniquement parlant. J'accorde de l'importance aux détails, aux figurants, ... les goûts diffèrent bien sûr, les cinéastes font les films qui leur plaisent et c'est très difficile de juger un film. En 2022, vous avez reçu le Prix de l'interprétation féminine au Festival de Cannes pour Les Nuits de Mashhad qui relate un fait divers sur les féminicides en série en Iran. Pourquoi avoir accepté de jouer dans ce film ? Ce film est inspiré d'un fait réel concernant un vrai serial killer en Iran. L'histoire remonte à une vingtaine d'années à Mashhad, une ville iranienne assez religieuse. À l'époque, j'habitais en Iran, et donc je connais très bien cette histoire, on avait tellement peur car il y avait d'autres personnes qui tuaient les femmes à Téhéran. Du coup, j'avais une grande envie de faire ce film et dès que j'ai lu le scénario, je me suis dit que j'aimerais en faire partie. Ali Abbasi voulait tourner en Iran, mais c'était impossible vu la nature du sujet. En fait, c'était comme si on tournait un film d'époque, il fallait tout reconstruire, ... La société iranienne est tellement misogyne, je dirais qu'aujourd'hui, ça va mieux, avec tout ce qui ce qui se passe de nos jours dans le pays. Vous savez, toutes ces femmes prostituées souffraient d'autre chose, elles n'étaient pas là juste parce qu'elles aimaient cela, de plus, elle ne recevait aucune aide du gouvernement. Moi aussi j'ai beaucoup souffert de cette mentalité misogyne, c'est pour cela que j'ai quitté l'Iran, donc, il y avait plusieurs raisons qui m'ont poussé à faire ce film. Que répondez-vous aux personnes pro-régime qui prétendent que le film ne traduit pas la réalité en Iran ? En fait, ces gens ne représentent que 10% de la société iranienne. Je trouve qu'on est un peu kidnappé par le gouvernement et ce système depuis longtemps, d'ailleurs, vous avez vu l'année dernière, la révolution du mouvement femmes et liberté. C'est quelque chose qui me réjouit malgré toute cette tristesse et toutes ces femmes et hommes arrêtés ou tués. La bonne nouvelle c'est que les mentalités commencent à changer aujourd'hui, il y a des hommes qui se battent aux côtés des femmes pour défendre leur liberté, pour la liberté d'être un être humain tout court en Iran. Ce gouvernement qui pense avoir tous les droits et le plein pouvoir, je pense qu'aujourd'hui, le monde a découvert une autre facette de son visage et tout le monde voit qu'il ment. Pour moi, ce gouvernement est un tueur et il n'est pas légitime de parler de notre film parce que c'est certain qu'il ne va pas l'aimer. Vous pensez qu'il y a un avant et après Masha Amini ? Oui, les choses ont changé. La mentalité des gens a changé. Pour moi, c'est une « révolution » même si on ne voit pas les gens dans la rue. Moi, je vois et je sens comme une résistance, c'est vrai que ce n'est pas médiatique, mais je le vois dans les cinémas, dans toutes les communautés, et ça donne de l'espoir, même si c'est toujours triste ce qui se passe. On a encore l'impression que c'est le gouvernement qui gagne mais je pense qu'il y a toute une nouvelle génération qui se révolte et qui ne lâche pas.