Leila Hatami incarne le charme sobre de la femme iranienne. Belle, sans provocation; douce, sans intonation, elle a répondu à nos questions avec une simplicité et un raffinement inouïs. Rencontre avec une femme désarmante et une actrice qui campe son meilleur rôle, elle-même. Un port altier, une douceur infinie et un raffinement sans fard, Leila Hatami dégage une grâce et une discrétion délicieusement persanes. Actrice iranienne ayant baigné dans un univers de cinéma, son père Ali Hatami étant l'un des cinéastes vétérans de l'Iran et sa mère une comédienne émérite. Leila Hatami glane une filmographie dense et probante, dont « Leila » en 1996 de Dariush Mehruji, et « La Station désertée » en 2002, ainsi que le décapant « Shirin » du chantre incontesté de la renaissance du cinéma iranien, Abbas Kiarostami. Dans le film au succès phénoménal « Une séparation » d'Ashgar Farhadi, elle incarne Simin, rôle qui lui a valu l'Ours d'argent à la Berlinale de 2011. Entretien avec une grande dame. Est-ce que le métier d'actrice est facile en Iran ? Oui et non. Il n'y a pas de star system en Iran, et le culte de l'idole n'existe pas. L'image publique est limitée et le pays n'aide pas à ce que l'image d'actrice grandisse et prenne de l'importance. Je prends ce métier comme une identité et je tiens à bien choisir mes rôles, sans toutefois tomber dans l'arrogance. Je réussis à me contrôler (sourires). Vous identifiez-vous à votre héroïne dans le rôle que vous jouez dans « Une séparation » ? Avez-vous envie de fuir le pays, à l'instar de l'héroïne ? Non, peut-être pas. Tous ces gens qui ont fui ou quitté l'Iran, surtout pour aller au Canada, ils l'on fait pour trouver un pied-à-terre et élargir les horizons pour leurs enfants et leurs familles. S'il y avait eu un choix à faire avant de quitter l'Iran à jamais, je ne pense pas que ces gens-là seraient partis. Comment appréhendez-vous votre rôle de membre du jury à Marrakech, sachant que vous avez été membre du Festival du cinéma américain de Deauville en 2011 ? Comme j'ai été jugée par d'autres membres de jurys, je me mets à leur place et j'essaie de me baser sur mes propres critères. Il n'y a pas de jugement strict. Je me réfère à mes goûts cinématographiques. Pour moi, l'important c'est le jeu d'acteurs et la qualité de la narration. L'histoire et l'origine du film viennent en deuxième lieu. Je suis surprise d'ailleurs par la variété des films présentés et les thématiques traitées. C'est un festival très ouvert. A quoi attribuez-vous la réussite du cinéma iranien ? Nous sommes un peuple très porté sur la littérature et l'histoire, voire la narration. Avant la guerre, nous étions presque privés de tout et coupés du monde, et comme il n'y avait que deux chaînes de télévision et des programmations de deux heures par jour, tout le monde regardait des films, c'était le seul divertissement. Ma génération a été bercée par le cinéma dans le sens vaste du terme, voilà pourquoi il y a eu beaucoup de cinéastes iraniens. Il faut dire aussi qu'à Téhéran, les sorties sont rares et il n'y a pas de lieu architecturalement agréable qui attire les gens, vu qu'on n'a pas pu sauvegarder la vieille ville. La vie en Iran est très close et le divertissement est minime, d'où cette culture du cinéma. Que pouvez-vous nous dire sur la scène cinématographique en Iran ? Les salles de cinéma ? Les festivals ? Les salles de cinéma ne sont pas nombreuses, elles sont constamment rénovées sans qu'il y ait de nouvelles qui émergent, et les festivals existent en masse, à Téhéran comme en province. Les productions actuelles ne sont pas toujours de l'art pur et accompli, mais il y a une jeune génération de cinéastes que je trouve remarquables, qui ont développé des talents narratifs et des prouesses de réalisation au niveau du cinéma national. Il y a dix ans, seuls les réalisateurs cultes faisaient des films : les jeunes étaient inexistants.