Pour certains, le phénomène de la flambée des prix au cours du mois de ramadan est assez classique et a toujours constitué un sujet de préoccupation (et de mécontentement) au sein des ménages marocains. Pour d'autres, le phénomène et de plus en plus inquiétant dans la mesure où ce sont surtout les consommateurs qui en font de plus en plus les frais. La table sacrée est chère Dans quelques marchés visités à Casablanca, les fruits et légumes affichent des prix à la hausse, comme ceux de la viande rouge et des volailles qui ont grimpé en l'espace de quelques jours. Les personnes interrogées ont confirmé qu'à quelques jours du Ramadan, la flambée des prix de certains produits a atteint des proportions jamais égalées, atteignant ainsi les 150% !. Ils ajoutent que les prix des produits de large consommation ont doublé en l'espace de quelques jours. La flambée a touché également la viande rouge dont les prix ont augmenté d'une moyenne de 10 à 15 DH selon les zones de commercialisation. Quant aux produits de la mer, ils ont tout simplement pris le large. Au marché de «Derb Sultan» à Casablanca, le kilo de «sardines» est vendu à vingt dirhams alors qu'il ne dépassait pas les douze dirhams la veille du Ramadan. La sole se vend à 70 dirhams le kilo contre trente dirhams quelques jours plus tôt. Pour le merlan, on est déjà à 80 dirhams. Le calamar et les crevettes dépassent les 100 dirhams. Les ménagères s'arrachent les cheveux pour faire leurs emplettes en vue de préparer de nouveaux plats tels des «briouates» et «pizzas» aux crevettes en passant par les spaghettis aux fruits de mer et autres fritures et grillades. Les prix de toutes sortes de produits de mer ont presque doublé dans un pays pourtant doté d'une frange littorale atlantique et méditerranéenne qui s'étend sur pas moins de 3500 km et qui est le premier pays producteur et exportateur des produits de la mer en Afrique et dans le monde arabe. Les produits de la mer représentent 15 % des exportations totales et 50 % des produits agro-alimentaires. Malgré tout, les prix de cette denrée y demeurent très élevés. Pour les autres produits alimentaires, c'est le même scénario : il y a le feu aux prix. En clair, certains ménages ont toutes les peines du monde pour préparer la traditionnelle «h'rira», surtout quand il s'agit de la soupe multi légumes. Face à cette flambée des prix, que fait le gouvernement ? Une loi sans pitié «Marocains rassurez-vous ! Les marchés nationaux seront largement approvisionnés. Quelque 131.000 tonnes de tomates, 130.000 tonnes de pommes de terre, 67.000 tonnes d'oignons, 30.000 tonnes de dattes et 81 millions de litres de lait seront ainsi disponibles. L'abattage des viandes rouges atteindra 31.500 tonnes et celui des viandes blanches 40.000 tonne. Nizar Baraka, le ministre des Affaires économiques n'a céssé de rassurer à ce sujet. La demande en miel et en sucre sera aussi satisfaite à 150%...»Voilà le discours officiel que le gouvernement fait véhiculer durant ce mois de consommation par excellence. Mais qu'a-t-il fait pour que le budget des ménages ne soit pas plombé ? Mis à part le contrôle de la disponibilité des produits, une baisse des prix a t-elle été programmée ? Rien n'y fait puisque la fameuse loi du marché s'impose. Mohamed Benkadour, président de la Fédération marocaine de défense des consommateurs, déplore lui aussi cet état de fait. «Il faut s'interroger sur les réelles raisons de cette inflation». Pour M. Benkadour, le mois de Ramadan est devenu une occasion où les commerçants de produits alimentaires réalisent des chiffres record de gains aux dépens du consommateur. En effet, plusieurs volets sont à prendre en compte, à commencer par le problème des intermédiaires. Un problème de grande ampleur quand on constate que le produit n'est acheminé vers le consommateur qu'après avoir transité par 5 à 6 intermédiaires. Le président de la Fédération marocaine de défense des consommateurs, souhaite que les autorités réfléchissent sérieusement à une politique agencée en matière d'approvisionnement du marché interne. Il s'agit d'une politique qui saurait mettre en place un système de bourse nationale ou régionale où le détaillant peut venir s'approvisionner directement. D'après lui, la structuration de l'approvisionnement du marché interne permettrait entre autres de couper court aux pratiques informelles mais également d'assurer une régularité en matière d'approvisionnement tout au long de l'année et de contrôler les prix tout au long du processus de la distribution. Pour M. Benkadour, l'intervention de l'Etat régulateur ne se limite pas au simple fait de faire approvisionner le marché mais de réguler un marché livré à la loi de l'offre et de la demande via sa main invisible. Ceci dit, la flambée vertigineuse des prix de produits alimentaires n'est pas due à la rareté des produits, mais à la dérégulation du marché. Certes, les prix sont libéralisés mais dans le cas des augmentations de prix non justifiées et en l'absence de la loi sur la protection des consommateurs, quels sont les droits de ces derniers et comment peuvent-ils se défendre ? Certaines dénonciations constituent un acte minimal au vu des énormes carences soulevées dans le domaine de la protection des consommateurs marocains.