L'égalité des genres a été au centre des débats, à Benguerir, lors du séminaire inaugural d'une série de rencontres qui seront centrées sur les principaux sujets de développement devant être abordés durant les assemblées annuelles de la Banque Mondiale et Fonds monétaire international, prévues en octobre 2023 à Marrakech. Les constats sont alarmants : les écarts de représentation entre les hommes et les femmes sur le marché du travail persistent dans toutes les régions et sont restés stables au cours des trois dernières décennies. À titre indicatif, l'écart moyen mondial de participation à la vie active est de 30 %. Dans certaines régions, comme le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et l'Asie du Sud, cet écart est estimé à 56%. Le coût économique de cet écart est considérable : à l'échelle mondiale, les économies risquent de perdre environ 20% de leur PIB par habitant sans parler de l'insécurité alimentaire et nutritionnelle, les conflits et le changement climatique, l'incapacité à bénéficier des transformations structurelles, de la digitalisation et de la transition verte... Convaincu du rôle primordial de la femme dans le développement, le directeur général des opérations de la Banque mondiale, Axel Van Trotsenburg, note que si les femmes avaient pu accéder au marché de travail au même titre que les hommes, le PIB mondial aurait pu augmenter entre 10 et 20%. Accès au marché du travail Au Maroc, malgré les efforts entrepris pour corriger les dysfonctionnements, le taux de participation de la femme à l'économie ne dépasse guère les 20%. La vice-présidente de la CGEM, Ghita Lahlou, a souligné que ce taux a été de 25% dans les années 2000. Au fil des années, le recul a été frappant pour atteindre même 15,9% au titre du troisième trimestre de l'année dernière, et ce en dépit des dizaines politiques publiques et stratégies mises en place pour réduire le gap. Autre problématique relevée : «malgré le problème de décrochage scolaire dans le milieu rural sur lequel nous travaillons avec d'autres départements, 50% des filles arrivent à suivre des études dans les universités. Or, une fois lauréates, elles n'arrivent pas à accéder au marché de l'emploi », déplore la ministre de la solidarité, de l'inclusion sociale et de la famille, Aawatif Hayar qui met l'accent aussi sur la nécessité d'encourager l'accès des filles à des filiales comme la science, la technologie, l'ingénierie et les mathématiques (STEM) qui offrent de nouvelles opportunités d'emploi à forte valeur ajoutée. D'ailleurs, l'UM6P est un exemple inspirant sur ce registre. Le président de cette université, Hicham El Habti, a indiqué que 54% de la population des étudiants est féminine. Les étudiantes brillent dans divers domaines comme la science, la technologie et l'ingénierie qui ont la réputation d'être un "club d'hommes". Il ajoute aussi que 88% des étudiants de l'université estiment que l'UM6P favorise le leadership féminin. Pour rectifier le tir Aujourd'hui, la volonté du gouvernement est d'atteindre un taux de participation de la femme à l'économie de 30% à l'horizon 2026, de même que la mise en place d'un plan spécifique de soutien à leur activité économique et de lutte contre la vulnérabilité. Hayar assure que son département a mis en place une série de programmes et de mesures dans le cadre de sa stratégie GISR (Green Innovative Social Regeneration) vers un développement social inclusif, novateur et durable. Elle insiste par ailleurs que la nécessité de la mise en place d'une approche globale et concevoir une politique familiale qui prend en considération les lieux d'accueil de la petite enfance, l'autonomisation des femmes à travers de l'encadrement et le développement de l'économie de l'assistance comme la formation des assistantes maternelles. Propositions et recommandations Pour y arriver, diverses pistes ont été proposées aussi par les participants notamment la ministre de l'économie et des finances qui a partagé sa vision par visioconférence. Nadia Fettah Alaoui, souligne que pour rectifier le tir, il faut se concentrer sur 5 priorités. Elle met l'accent ainsi que la formation avec le renforcement de l'accès à l'éducation aux filles, la lutte contre la discrimination, la promotion de la diversité, le réseautage et l'encadrement pour l'accès au marché de travail et la promotion de l'équité au niveau de salaires. Elle cite aussi la nécessité d'offrir un travail décent permettant de concilier vie professionnelle et celle personnelle. Pour sa part, Ghita Lahlou pense qu'il y a deux leviers sur lesquels il faut se positionner : travailler avec les émergences et raisonner en approche systémique en intégrant 3 blocs (Etat/privé/ (associations, médias, syndicats...). «Ces trois mondes doivent coordonner et travailler main dans la main. Il faudra alors trouver un leadership pour ces trois blocs », complète-elle. Van Trotsenburg, lui, est catégorique : «la lutte contre ces inégalités de genre commence depuis l'enfance, d'où la nécessité de se concentrer sur l'importance de l'éducation et le changement de mentalités », conclut-il.