Désormais les cultures de la pastèque, de l'avocat et les nouvelles plantations d'agrumes ne bénéficieront plus de l'aide étatique liée à l'aménagement hydro-agricole dans les exploitations agricoles. La décision a été prise récemment, conjointement par le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaa et celui de l'agriculture, de la pêche, du développement rural, des eaux et forêts, Mohamed Sadiki. Elle concernera tous les dossiers de demande des autorisations préalables déposés à partir du 11 juillet 2022. L'objectif est de lutter contre la prolifération des superficies agricoles des cultures gourmandes en eau. L'aide en question concerne surtout le creusement de puits, l'acquisition de matériel, les aménagements de bassins de stockage, équipement de goutte à goutte...« Cette décision concerne plus les nouveaux producteurs et les nouvelles plantations de ces produits. Les autres ont déjà pu bénéficier de la subvention et leurs produits sont déjà disponibles sur le marché ou le seront bientôt », commente le président de la fédération interprofessionnelle marocaine de la production et de l'exportation de fruits et légumes, Lahoucine Aderdour. Si le gouvernement a pris cette mesure aujourd'hui, c'est parce qu'il est conscient de la gravité de la situation, vu que le Maroc vit sa pire sécheresse depuis 30 ans. Actuellement, le taux de remplissage des barrages est à son plus bas niveau. Il ne dépasse pas 25% contre 40% à la même période de l'année dernière. «La situation est très inquiétante. Le pays manque terriblement de ressources hydriques et demeure menacé par la pénurie », alerte l'expert en hydrogéologie et changement climatique Mohamed Sinan. Un hectare de pastèque consomme entre 5.000 et 6.000 m3 d'eau douce Les études le confirment. Certaines cultures consomment de l'eau de façon excessive. Un hectare de pastèque consomme entre 5.000 et 6.000 m3 d'eau douce. Une seule pastèque de 10 kg a besoin de près de 450 litres. Pour l'avocat, on estime les besoins en eau à près de 12.000 m3 pour chaque hectare. S'agissant des arbres d'agrumes, leur besoin en eau est compris entre 3.000 et 9.400 m3/ha, selon la nature et l'âge de la plantation. Un autre expert en agriculture durable nous explique que dans la région du Gharb par exemple, les plantations de l'avocatier arrosé au goutte-à-goutte par les eaux des puits et de la nappe phréatique, connaissent ces deux dernières années une prolifération fulgurante. Pour les agrumes, 85% de la production est concentrée dans les régions de Rabat-Salé-Kénitra à hauteur de 700.000 tonnes, Souss-Massa (672.000 T), l'Oriental (460.000 T) et Béni Mellal-Khénifra (436.000 T). «Ces grandes superficies nécessitent de grosses quantités d'eau », note le même expert. Quels impacts de cette décision ? Aderdour reconnait qu'une telle décision s'impose dans le contexte actuel marqué par une sécheresse inquiétante. Mais il précise que « l'arrêt de subvention ne veut pas dire arrêt de production ». Pour lui, les agriculteurs qui pourront assumer les charges liées à la production, continueront à produire. Rien ne les empêche de le faire. D'ailleurs, «la subvention reste limitée et très faible et en moyenne elle ne dépasse pas 15% contrairement à des pays voisins comme l'Espagne qui propose une aide de l'ordre de 30% à ses agriculteurs », précise le professionnel. L'arrêt de subvention ne veut pas dire arrêt de production Pour le président de l'association des amis de l'environnement de Zagora Jamal Akchbabe, «cette décision du ministère est justifiée, mais a été prise tardivement. Elle n'aura malheureusement aucun impact dans la région de Zagora par exemple, où la pastèque occupe de grandes superficies». Il reste convaincu par ailleurs, qu'il fallait tout simplement bannir ces cultures au lieu d'arrêter la subvention pour les nouvelles plantations, d'autant plus que Aderdour souligne que cette mesure n'est pas définitive et qu'elle pourrait être annulée en cas de retour de pluie. Même son de cloche chez de nombreux mouvements écologistes qui estiment que les mesures prises jusque là restent très insuffisantes pour remédier à la pénurie des ressources en eau. Le mouvement « Maroc environnement 2050 » a appelé à un changement radical de la politique agricole au Maroc ainsi qu'un arrêt immédiat de la culture et l'exportation des pastèques et des avocats. Cependant, une chose est sûre, comme l'affirme Aderdour, la suppression des subventions aura un impact sur les prix des produits concernés. « Ils seront vendus plus chers sur lr marché local », prévient t-il. La suppression des subventions aura un impact sur les prix des produits concernés. Ce que recommandent les experts Outre l'interdiction définitive des cultures gourmandes en eau, les experts préconisent de recourir à d'autres méthodes plus efficaces pour préserver l'eau et optimiser son utilisation. Sinan est catégorique : « Il est temps de doter chaque région d'une carte d'assolement des produits agricoles les plus adaptés et généraliser les techniques d'économie d'eau dans le secteur de l'agriculture ». Akchbabe, propose d'orienter les campagnes de sensibilisation pour économiser l'utilisation de l'eau, vers les agriculteurs, gros consommateurs, plutôt que les citoyens dont le niveau de consommation reste très faible et ne dépasse pas 15% du total.