Le drame Le drame s'est produit en fin de semaine au cœur du CHU Ibn Rochd à Casablanca. Yassine Rachid, un jeune médecin interne en urologie, a été retrouvé mort, pendu dans sa chambre. Une macabre découverte qui a mis la toile en émoi tout en provoquant un large mouvement d'indignation dans les rangs des blouses blanches. La Commission nationale des médecins internes et résidents (CNIR) s'est exprimée aussitôt dans un communiqué au ton fort. Dénonçant les conditions de travail et de formation extrêmement « stressantes et éprouvantes », la commission explique le suicide du jeune homme par la « grande pression qu'il subissait au CHU en cours de sa formation en chirurgie urologique ». La CNIR estime que l'interne « a été victime comme la plupart des médecins internes et résidents d'intimidation systématique tout en étant soumis en permanence à une forte pression psychologique et émotionnelle négative ». Témoignages Des affirmations de la part du représentant des médecins internes et résidents qui sont d'ailleurs confirmées par l'influenceur Dr Aymane Bouhbouh sur sa page facebook comptant plus de 88.000 followers. « Au-delà de la véracité des déclarations affirmant que Yassine a succombé à la forte pression et au chantage insoutenable au sein de l'établissement, je considère que ce drame est une sonnette d'alarme. Un rappel du triste vécu des médecins internes et ceux résidents. Par expérience, la mienne et celles de mes anciens collègues, je n'en sais que trop sur les conditions humiliantes, nullement professionnelles, usantes physiquement et psychiquement dans lesquelles nous faisons notre apprentissage dans les CHU », partage le chirurgien. Ce dernier déplore « l'exploitation et le chantage » dont sont sujets les étudiants en médecine internes spécialement ceux en chirurgie. « Ce profond sentiment de « hogra », d'inégalité des chances, d'humiliation a poussé beaucoup d'internes à abandonner leur cursus en cours de chemin. D'autres et je suis certain qu'ils sont assez nombreux, ont pensé dans un moment de faiblesse et de désarroi à se suicider pour mettre fin à leur calvaire », témoigne Dr Bouhbouh. Pratiques dangereuses Un vécu révoltant selon la CNIR qui n'a pas manqué de condamner « des pratiques dangereuses causant de profonds dommages psychologiques et physiques et pouvant entrainer des suites tragiques » comme c'était le cas pour le jeune interne. Renouvelant son soutien à la famille de ce dernier dans sa requête, la Commission appelle à l'ouverture d'une enquête approfondie sur les conditions et les causes du drame du CHU Ibn Rochd. « Nous affirmons que nous continuerons de lutter, par tous les moyens, contre toute pratique visant l'intégrité physique et morale des médecins internes et résidents », ajoutent les représentants de la CNIR. Groupe à haut risque D'après les spécialistes, le suicide est un acte déclenché par divers facteurs dont l'activité professionnelle. L'environnement psychosocial du travail et les contraintes particulières de certaines professions pourraient ainsi augmenter le risque de suicide. Les études psychologiques affirment en effet que les médecins sont un groupe à haut risque de suicide. Les femmes médecins et certaines spécialités sont d'emblée plus exposées avec des taux beaucoup plus importants. Si les conditions de travail des médecins varient considérablement d'un pays et d'un continent à l'autre, la pression subie par la profession reste assez palpable comme l'expliquent les études psychologiques. Certaines spécialités médicales ou chirurgicales, restent cependant particulièrement exposées à cause de la lourde charge de travail, les horaires de travail décalés et inadaptés au rythme biologique avec la privation de sommeil associée au stress atteignant son comble dans des services comme celui des Urgences. L'accès facile aux moyens de suicide est aussi un facteur aggravant. Etudiants marocains suicidaires Le phénomène au Maroc a fait l'objet d'un travail académique inédit publié en 2020. Intitulée « Les idées et les tentatives de suicide chez les étudiants en médecine au Maroc : Résultats d'une étude multicentrique », cette étude a été réalisée par Mohamed Barrimi, Mosaab Maazouzi, Souhaila Malakt, Soukaina Lazaar et Hajar Khaoulani. Rarement traitée, cette prévalence suicidaire chez les étudiants en médecine a été au centre de cette étude scientifique réalisée par une équipe de jeunes chercheurs. Ses révélations ? Parmi 600 étudiants répartis sur les sept Facultés de médecine et de pharmacie au Maroc ; 5% avaient réalisé au moins une tentative de suicide et 31% avaient eu des idées suicidaires. Ces idées étaient associées d'une façon statistiquement significative à la consommation de substances psychoactives, à la mauvaise santé psychique. « Les tentatives de suicide sont de leur côté associées significativement à la mauvaise santé psychique et à la présence d'une affection de longue durée », explique l'étude. Ses auteurs s'inquiètent d'ailleurs et affirment que les idées et les tentatives de suicide semblent être une problématique sérieuse chez les étudiants en médecine au Maroc. « Des mesures de prévention et de soutien doivent être mises en place pour limiter ce phénomène », préconisent-ils. LIRE AUSSI Santé. La variole du singe fait un premier mort en Belgique Au 29 août dernier, la Belgique, pays de 11,5 millions d'habitants, comptait «706 cas confirmés de ''Monkeypox'' (Variole du singe)», selon Sciensano. Parmi ces malades, souffrant presque tous des lésions cutanées, «principalement dans la...