ALM : Le 10 septembre est désormais la Journée mondiale de prévention du suicide. Y a-t-il des statistiques sur ce phénomène au Maroc ? Pr. Nadia Kadiri : actuellement, il n'y a pas de chiffres officiels relatifs au suicide au Maroc. Toutefois, plusieurs études ont été menées sur le suicide et concernent surtout les centres d'urgences hospitaliers. C'est le cas notamment d'une étude menée, il y a trois ans à Casablanca. Sur un échantillon de 800 personnes, «l'idéation» suicidaire était de 6%. Que voulez-vous dire par «idéation» suicidaire ? Dans le suicide, il y a trois étapes. De prime abord, il y a l'idéation suicidaire, puis le projet suicidaire et finalement le passage à l'acte. C'est au cours de la première phase donc que germe l'idée de se suicider. Et c'est justement durant la phase du projet suicidaire que l'idée du suicide est clairement formulée. Pour la dernière étape, c'est carrément le passage à l'acte suicidaire. Vous êtes en train de mener une étude approfondie sur le suicide au Maroc. De quoi s'agit-il ? Effectivement, nous venons de finaliser une étude sur la prévalence des troubles mentaux au Maroc sur un échantillon de 6000 personnes choisies dans une population générale. Et ce, en étroite collaboration avec le ministère de la Santé, l'Organisation mondiale de la santé et le Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd à Casablanca. Nous avons trouvé que le risque suicidaire, dans cette étude, est d'environ 12 % chez les hommes. Chez les femmes, par contre, il est de 21 %. Quelles sont les personnes les plus enclines au suicide ? L'idéation suicidaire est fréquente chez les personnes non-mariées, ceux qui souffrent de troubles psychiques ainsi que chez les gens qui n'ont pas d'enfants. Quel est l'état psychique d'une personne voulant mettre fin à ses jours ? On sait maintenant que dans 40 à 70 % des cas de suicide effectif, ces gens-là présentaient auparavant un syndrome dépressif. En fait, la dépression est un facteur de risque majeur. Pour prévenir le suicide, il faut donc traiter les cas de dépressions. Qu'en est-il des tentatives de suicide ? Vous savez, les tentatives de suicide au Maroc sont fréquentes. C'est une constatation dans les différentes unités d'urgences. Il faut noter également que ces tentatives sont plus fréquentes chez les femmes. Dans le cas des jeunes filles, la tentative est un message aux parents, une sorte d'appel SOS. Dans la plupart des cas, ces jeunes filles souffrent de conflits familiaux et d'échecs sentimentaux. Quels sont les moyens les plus utilisés par les suicidés ? Généralement, les femmes, quand elles veulent mettre fin à leurs jours, ont recours aux médicaments et aux herbes traditionnelles. Pour les hommes, c'est plutôt les armes blanches et la pendaison.