A 4 km de Sidi Yahya, se situe la ferme d'élevage de l'apiculteur M'hamed Quanini qui chapeaute une coopérative de production du miel dans la région. Pas de moyens de transport pour y accéder. Seuls les khettafas le peuvent. Sur un terrain de 3 hectares, ce sexagénaire, professionnel dans le domaine depuis le début des années 80, dispose d'un rucher de 300 ruches. Aujourd'hui, la grande majorité de ses abeilles ont disparu. Seules 30 ruches ont été épargnées jusque-là. Et si la situation perdure, il risque de tout perdre. «Je suis anéanti. Durant les 40 ans du métier, je n'ai jamais vécu ce genre de situation », regrette-t-il. Selon lui, le phénomène est apparu depuis 3 ans déjà. Mais cette année, c'est la descente aux enfers. L'apiculteur n'a aucune idée sur l'origine du mal. Il attend toujours les résultats de l'enquête, en cours, initiée par l'ONSSA, le ministère de tutelle et la FIMAP. Ruches désertées Sur le terrain, les ruches sont désertées. À l'extérieur, pas de cadavres. À l'intérieur non plus. En ouvrant ruche après ruche, on se rend compte de la gravité de la situation. Dans certaines unités, il y n'a plus que des cadres vides sans la moindre trace d'abeilles. Dans une autre ruche, il y a une poignée d'abeilles, autour de leur reine occupant moyennement trois cadres sur six. Pas d'abeilles sur les trois autres cadres existants, mais le miel et pollen sont encore stockés. D'après les explications de Moussa Zouair membre de la FIMAP, présent sur place, une colonie est anormalement faible quand elle n'occupe plus correctement son volume. Et si la ruche ne contient pas assez de miel et de pollen lorsque l'hiver arrive, la colonie n'aura pas assez de ressources pour survivre à l'hiver. Alors, qu'au niveau de la ruche inspectée, les réserves étaient encore là, mais à faible quantité. «Il y a assez de pollen mais peu d'abeilles. Espérant que cette colonie, malgré sa faiblesse, échappe à ce fléau », souligne Zouair. Un peu plus loin, c'était un peu comme si une maison récemment construite devenait subitement désertée par ses habitants sans avoir rien emporté avec eux. Autre constat relevé au niveau de quelques ruches: la perte de la majorité des ouvrières. Et cela pose une véritable problématique puisque ce sont elles qui assurent le ravitaillement et le nourrissage des larves. « Ce sont également les ouvrières hivernantes qui gardent la chaleur autour de la reine, permettant à la colonie de survivre à l'hiver », ajoute Zouair. Ce dernier est catégorique: "la situation est dramatique et très grave. N'oubliez pas que sans abeille, pas de pollinisation des fleurs, et sans pollinisation, pas de fruits ni de légumes". Ni abeilles, ni miel M'hamed Quanini qui emploie trois personnes ou plus, a perdu 75% de son rucher. Et selon Zouair, si rien n'est fait, l'apiculteur risque de tout perdre. En parallèle, cela aura un impact significatif sur ses revenus. Il ne pourra ni subvenir à ses besoins, ni avoir les moyens pour payer ses salariés. «Avec la disparition de mes abeilles, je ne pourrai plus produire du miel. Déjà l'année dernière, la production était faible. Et les ventes n'ont même pas permis de compenser les charges », déplore Quanini qui cherche aujourd'hui, en vain, à se procurer des abeilles chez d'autres éleveurs. «Difficile de trouver des abeilles actuellement sur le marché. Avec la raréfaction, le prix à payer est de plus en plus cher et passe de 700 DH par colonie à plus de 1.000 DH », ajoute l'apiculteur. Mais avant de reconstruire son rucher, il nous précise qu'il n'oublie pas de prendre quelques précautions. « La suppression de la colonie infectée n'est pas suffisante, il faut procéder à une désinfection minutieuse de tous les objets qui ont été en contact avec les produits de la ruche, surtout qu'on ignore toujours la nature de la maladie et l'origine du problème. Le procédé de désinfection le plus efficace consiste à laver et à frotter au moyen d'une brosse la ruche et tous les ustensiles avec de l'eau de soude très chaude, à flamber ensuite l'intérieur de l'habitation à la lampe à souder en ayant soin de faire pénétrer la flamme dans les joints et les fentes jusqu'à ce que le bois prenne une teinte brune », conclut Quanini.