Les abeilles sont en train de disparaître dans plusieurs régions du Royaume. Un constat inquiétant au vu du rôle écologique que jouent ces précieux pollinisateurs. Le "syndrome de l'effondrement des colonies d'abeilles", touche-t-il également les ruches situées dans le territoire marocain ? La question se pose sérieusement au vu du récent communiqué publié vendredi par l'ONSSA qui évoque une enquête de terrain effectuée « dans le cadre du suivi de l'état de santé des ruchers » mais qui intervient également suite « à la découverte d'un phénomène de disparition des abeilles chez des apiculteurs dans plusieurs régions du Royaume ». L'ONSSA précise que l'enquête a été menée avec l'appui des services vétérinaires provinciaux relevant de l'office en coordination avec les représentants de la Fédération Interprofessionnelle Marocaine de l'Apiculture (FIMAP). L'objectif de ce travail selon le communiqué de l'ONSSA est de « cerner l'ampleur de ce phénomène inédit et d'en identifier les causes ». Les équipes d'enquêteurs ont à ce jour parcouru plusieurs régions du pays et ont pu établir un certain nombre de résultats préliminaires basés sur la visite de près de 23000 ruches. Pas d'épidémie L'ONSSA explique ainsi que le phénomène sans précédent dans notre pays est réel, et que « son ampleur varie d'une région à une autre ». La même source ajoute que les analyses effectuées dans les laboratoires sur les ruches et le couvain d'abeilles, excluent d'une manière formelle l'hypothèse d'une maladie. Le « worst-case senario » étant écarté, l'Office assure qu'il poursuivra son enquête sur le terrain en coordination avec l'ensemble des intervenants afin d'identifier les vraies causes de ce phénomène inquiétant. Le communiqué souligne par ailleurs que ce phénomène connu sous l'appellation ''Syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles'' a été constaté également dans des pays en Europe, en Amérique et en Afrique, ajoutant que les recherches attribuent cela à plusieurs facteurs, entre autres, la faiblesse des précipitations, la diminution de la quantité et de la qualité de l'alimentation disponible pour les abeilles ou encore l'état de santé des ruchers et les méthodes de prévention suivies. Un pollinisateur précieux En attendant la levée du mystère sur cette inquiétante situation, il y a lieu de préciser que l'enjeu sanitaire des abeilles ne se limite pas au seul secteur de l'apiculture et de la production du miel. Les abeilles jouent des rôles écologiques fondamentaux, notamment celui de la pollinisation. Les abeilles ainsi que d'autres insectes pollinisateurs contribuent de près de 10% à la valeur des produits agricoles, et environ le tiers de notre alimentation quotidienne provient d'une façon directe ou indirecte de ces insectes. C'est ainsi que 75% des espèces cultivées et près de 87% des espèces végétales en milieu naturel sont pollinisées par des insectes qui participent ainsi à leur cycle de reproduction. En plus de fournir un produit alimentaire de premier choix –le miel- les abeilles fournissent également un service écosystémique précieux et irremplaçable. C'est dans cette perspective que plusieurs écologistes et naturalistes suivent ce nouveau dossier de disparition des abeilles au Maroc avec beaucoup d'attention et d'inquiétude. Quid de la piste pesticide? La disparition des abeilles en Europe a permis de dégager plusieurs causes probables au phénomène. Si l'ONSSA a écarté la piste d'une disparition causée par un agent pathogène (parasites, virus ou champignons), les dernières précipitations que le Royaume a connues pourraient permettre d'exclure également la piste d'un manque de végétaux. En procédant ainsi par élimination, la piste la plus probable -qui est d'ailleurs considérée en Europe comme la principale cause de disparition des abeilles- est l'utilisation de pesticides. Cette possibilité est manifestement la plus vraisemblable, surtout au vu des utilisations parfois excessives que font certains agriculteurs des produits phytosanitaires, et encore plus au vu de l'existence d'un marché informel de produits souvent interdits qui pourtant finissent bon gré mal gré dans les souks du Royaume. Gageons que l'ONSSA fera toute la lumière sur ce mystère et prendra les mesures qui s'imposent pour protéger nos précieuses butineuses.