L'Association des Barreaux du Maroc passe à la vitesse supérieure dans sa fronde anti-pass sanitaire. Elle vient d'adresser une plainte à Diego García-Sayán, Rapporteur Spécial des Nations-Unies sur l'indépendance des juges et des avocats. En colère contre cette nouvelle mesure, les avocats renouvellent leur refus de l'obligation du pass sanitaire dans les tribunaux marocains et réclament son annulation. Circulaire Sollicitant son intervention auprès des autorités judiciaires, les avocats demandent l'aide de l'ONU en vue d'annuler la circulaire imposant le pass sanitaire pour accéder aux tribunaux du Royaume. L'association, qui s'est dite surprise par cette décision, souligne d'ailleurs dans un communiqué rendu public, son aspect « illégal et contraire aux dispositions de la Constitution marocaine ». Rappelons que la circulaire, objet de l'ire des avocats, impose le pass sanitaire pour tout accès aux tribunaux marocains. Ainsi à partir du 20 décembre, le corps judicaire et l'ensemble des justiciables sont appelés à se conformer aux exigences de la décision gouvernementale et à présenter leurs pass sanitaires à chaque fois qu'ils leur seront demandés, indique la circulaire conjointe du Ministère de la Justice, la Présidence du Ministère public et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Cette dernière a été diffusée, vendredi, auprès des premiers Présidents et Procureurs généraux du Roi des Cours d'appel, des tribunaux de première instance et des chefs de services déconcentrés du Ministère de la Justice. Toujours selon les termes de cette circulaire, les magistrats, les employés et les justiciables qui ne sont pas vaccinés ou qui ne disposent pas de ce document sont priés de se le procurer dans les plus brefs délais ; sous peine de ne pas être autorisés à accéder aux tribunaux. Une décision qui n'est pas du goût des avocats. Ces derniers évoquent l'argument de l'indépendance de ce corps de métier et l'immunité de la défense. « Cette décision viole les principes d'indépendance et d'immunité mais aussi des droits de la défense des citoyens» estime-t-on auprès de l'Association des Barreaux du Maroc. Médiation Insistant sur le respect du rôle des avocats recommandé par l'ONU, l'Association rappelle l'engagement des gouvernements, à travers leurs législations, à garantir les conditions favorables pour l'accomplissement de leur mission. « Ceci sans intimidation, ni harcèlement en leur permettant de se concerter librement avec leurs clients... », réclament les avocats. Ces derniers en appellent le Rapporteur Spécial de l'ONU à intervenir et à jouer les intermédiaires auprès des autorités marocaines afin d'annuler cette décision. « Une manière de rappeler aux autorités leurs devoirs en matière de protection des droits de l'Homme et des libertés fondamentales », conclut la même source. Rappelons que dès l'annonce de l'imposition du pass vaccinal dans les lieux publics, les avocats se sont montrés catégoriques : « C'est une décision anticonstitutionnelle, unilatérale, appliquée de manière prompte, sans aucune préparation préalable » jugeait alors le Syndicat des Avocats du Maroc (SAM) dans un communiqué au ton ferme. Se joignant au large mouvement de protestation anti-pass vaccinal, le Syndicat a ouvertement exprimé son opposition à cette nouvelle mesure « ne respectant pas les droits humains ». Rejetant catégoriquement la chose, le Bureau Exécutif du Syndicat des Avocats du Maroc estime que l'Etat d'urgence sanitaire ne peut en aucun cas, justifier de « telles décisions portant atteinte aux acquis en termes de droits humains ». « Les circonstances exceptionnelles que connaît notre pays en raison de l'état d'urgence sanitaire, même si elles nécessitent un renforcement des efforts de la part des individus et des institutions, ne doit pas justifier l'adoption de décisions impliquant un recul et compromettant les acquis en matière de droits humains » s'inquiète le SAM. Citant les articles 24, 29 et 154 de la Constitution, relatifs à la liberté de circulation, à la liberté de rassemblement et à l'égalité des citoyens en matière d'accès aux services publics, le syndicat fait valoir les droits garantis par la loi suprême.