Les chiffres dévoilés, mercredi 25 novembre, par le Réseau lddf-Injad contre la violence basée sur le genre et la Fédération des Ligues des Droits des Femmes sont alarmants. Des milliers de femmes subissent au quotidien différentes formes de violences perpétrées par des proches mais également par des étrangers. « La violence contre les femmes et les filles reste la violation des droits humains la plus répandue et la plus persistante au Maroc et ailleurs. Ce rapport dévoile en effet un état des lieux inquiétant et une situation qui va en empirant » commente Samira Muheya, Présidente de la Fédération des Ligues des Droits des Femmes ( FLDF ). Violences multiples Cette dernière note d'ailleurs l'aspect complexe de la violence subie par les femmes marocaines qui peuvent souffrir, en même temps, de plusieurs formes d'abus. Ainsi le rapport couvrant la période entre janvier 2019 et juin 2021, recense 41.435 cas déclarés dont 19.550 cas de violence psychique, 10.505 cas de violence économique et sociale, 6354 cas de violence physique, 2814 cas de violence sexuelle et 2202 cas de violence législative. « Nous avons enregistré une importante hausse de la violence psychique qui concerne 47% des cas. Ces abus systématiques se déclinent sous forme d'insultes, de menaces de mort, d'humiliations, d'attitudes méprisantes et de différentes maltraitances. Leur impact profond en fait un véritable danger pour la santé mentale et la confiance en soi des femmes touchées mais aussi de leurs enfants » explique Muheya. Un véritable calvaire subi au quotidien et qui devient un enfer lorsqu'il est doublé de violences physiques et économiques. « Les coups et blessures représentent 53% des cas recensés. Mais ces femmes ne sont pas pour autant au bout de leurs malheurs. Nous avons constaté en effet une évolution plus qu'alarmante des tentatives de meurtre avec 234 cas et 16 féminicides » alerte la Présidente de la FLDF. Cette dernière appelle d'ailleurs les autorités à « requalifier » les abus contre les femmes comme étant des violences basées sur le genre. « C'est ainsi que l'on peut avoir des statistiques officielles signifiantes et susceptibles de nous rapprocher des chiffres réels», réclame-t-on auprès du réseau Injad et de la FLDF. Féminicides Citant les meurtres de l'instructrice de Settat et de l'infirmière de Casablanca, les activistes féministes regrettent « l'inefficacité » de la loi 103-13 dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes. « Le texte légal est là mais il n'arrive toujours pas à changer le triste vécu des femmes violentées. Pire, la loi omet de qualifier les féminicides comme tels et c'est une grande faille. Tout cela sans parler des meurtres maquillés en suicide qui passent inaperçus» fustige Samira Muheya. Au-delà de la violence physique et de ses répercussions sur le bien-être et la sécurité des femmes, le rapport met l'accent sur la violence économique, un autre moyen de les soumettre et de leur mettre la pression. « En effet, 10.505 d'entre elles en souffrent. Privées de sources financières, ces femmes peinent à se nourrir et à nourrir leurs enfants. Elles n'ont pas accès à l'éducation, à l'école, aux services de santé. Parfois elles sont privées de leurs propres salaires, de leurs acquis suite au divorce, de leurs héritages ou de leurs droits aux terres collectives », décrit la Présidente de la Fédération. Une forme de violence qui les expose à la pauvreté et à la vulnérabilité. Violence politique « Les femmes marocaines sont également victimes de violence législative. L'exemple des lois sur la reconnaissance de paternité et la pension alimentaire est éloquent. Souvent c'est inconstitutionnel et irrespectueux des droits humains » affirme Muheya. Le rapport n'oublie pas de pointer du doigt la violence politique enregistrée à l'occasion des élections législatives du 8 septembre. « Nous avons relevé un grand nombre de violations des droits des femmes en tant que candidates, participantes et électrices. Les programmes des partis politiques ont souvent oublié de penser à elles et à leurs besoins en tant que citoyennes. Nous avons aussi enregistré beaucoup de comportements discriminatoires envers les politiciennes », dénonce-t-on dans le rapport. D'après Muheya, ces élections ont été marquées par l'exclusion des femmes sur le terrain (pendant la campagne) mais aussi des cercles de prise de décision au niveau des partis politiques. « On dirait que c'était juste pour la forme sans véritable implication de celles-ci dans l'opération électorale » commente-t-elle. Grand problème de santé publique, la violence touche plus d'un tiers des femmes dans le monde et plus de la moitié des femmes au Maroc. Pourtant, l'ONU affirme qu'il ne s'agit pas d'une fatalité et que des politiques et programmes adéquats donnent des résultats concrets. Pour Muheya et les associations féministes, la solution commence par le changement des mentalités. « La violence c'est avant tout une problématique culturelle. Les lois seules ne sont pas suffisantes. Il faut des modalités pour les appliquer mais il faut surtout une approche globale pour pouvoir éradiquer la violence dans les esprits d'abord. L'éducation, l'école, la famille, la société civile, les médias, les pouvoirs publics, les réseaux sociaux... Le message anti-violence doit être véhiculé partout et porté par tous » conclut-elle.