Les faits Il y a des crimes qui secouent les consciences et les esprits, qui choquent par leur atrocité et qui laissent la société abasourdie devant ce qu'elle est capable d'engendrer comme comportements. Le crime d'Ismaïlia en Egypte est de ceux-là. De nombreuses vidéos relatant les événements ont fait le tour de la toile, suscitant partout émoi et indignation. Lundi 15 h, dans un quartier du gouvernorat d'Ismaïlia, au nord-est du pays, un plombier a été attaqué par son ami armé jusqu'aux dents. Après l'avoir traqué pendant un bon moment, le tueur l'a suivi jusqu'à ce qu'il soit assez loin de son quartier pour le frapper plusieurs fois à l'aide d'une machette, ont affirmé des témoins oculaires. Lardée de coups la victime s'est effondrée au sol, mais la rage du meurtrier ne s'est pas apaisée pour autant. S'acharnant sur le corps inerte, il l'a décapité de sang froid sous le regard des passants. Rien n'a dissuadé le tueur, ni les cris horrifiés des spectateurs, ni les rares tentatives d'intervention de passants assez intrépides pour s'y aventurer. Pire, il a blessé deux personnes sur son passage tout en menaçant les autres avec une arme à feu. Sa tâche morbide accomplie, l'homme a tenté de s'enfuir en trainant la tête décapitée de sa victime, qu'il a ensuite placée dans un sac en plastique. Le spectacle, digne des pires films d'horreur, prendra fin avec la neutralisation du tueur par la foule. Mobile mystérieux Ce crime effroyable a été filmé en entier par des passants avant d'être massivement partagé sur les réseaux sociaux, en quelques heures seulement. Si d'après le premier communiqué du Ministère de l'intérieur égyptien, il s'agit d'un malade mental aux troubles psychiques confirmés, les déclarations des témoins avancent une autre version des faits. Selon ces derniers, le meurtrier en tuant son ami n'a eu cesse de répéter que ce dernier avait bafoué son honneur en violant sa sœur. Une version qui a été corroborée par des sites d'information locaux. D'autres sources ont affirmé que la victime avait des relations hors-mariage avec la sœur mais aussi avec la mère du tueur. En apprenant la chose, ce dernier a voulu « laver son honneur » par le sang, ajoute-t-on. Des versions qui diffèrent et se multiplient sans pour autant dissiper le mystère du véritable mobile. En attendant les résultats de l'enquête policière en cours, les réclamations se multiplient sur les réseaux sociaux, exigeant la peine de mort à l'encontre du meurtrier. « Mais pire que ce crime abominable, la réaction des gens qui y ont assisté. Je n'arrive pas à comprendre comment ils sont restés là à regarder tranquillement ce qui arrivait sans intervenir. Ils n'ont pas oublié de braquer leurs téléphones et leurs caméras pour filmer, mais ils ont oublié d'être humains et empathiques » s'insurge, incrédule, l'égyptien Jalal Abou Haress sur Facebook. Une réaction indignée devant le voyeurisme qui l'emporte une fois de plus sur l'empathie et le devoir d'assister une personne en danger. Au-delà du crime et de sa sauvagerie, de nombreux internautes ont été choqués par l'inertie des témoins. Une réaction qui rappelle ce qui est arrivé l'été dernier à Safi lorsque le meurtre filmé du jeune Zouhair Âabouda par le violeur de sa sœur a secoué les consciences. Massacré en public et sauvagement mutilé, Zouhair a perdu la vie à cause d'un règlement de comptes avec le violeur de sa sœur. Un autre meurtre qui s' ajoute à la longue liste des crimes commis au nom de l'honneur. Crime d'honneur Pour rappel plus de 5000 de cas de crimes d'honneur sont répertoriés chaque année dans le monde. Toutefois, il est pratiquement impossible d'évaluer avec précision leur nombre exact. Le sentiment de honte, les menaces au sein de la communauté et le fait que les femmes soient émotionnellement et économiquement dépendantes de l'agresseur et de la famille leur donnent une fausse perception. « Elles pensent « mériter » la punition si bien que les témoins ne se manifestent guère et que les décès sont généralement classés parmi les accidents et les suicides », explique un rapport d'Amnesty. Les crimes d'honneur sont considérés comme des violations courantes des droits humains dans des régions telles que l'Asie du Sud, l'Amérique latine et le Moyen-Orient, mais la manière dont la violence elle-même est commise diffère considérablement selon les cultures et les contextes. Rappelons que ce type de crimes est devenu une préoccupation internationale vu les niveaux alarmants du taux de violence contre les femmes et parfois contre les hommes soupçonnés d'être leurs amants. En particulier au Pakistan, en Inde, en Palestine, en Turquie, en Egypte et en Syrie. Au Pakistan, les militants des droits humains estiment qu'environ 1 000 décès de femmes sont causés chaque année par des membres de leurs familles pour « l'honneur » (Amnesty). En Turquie, les statistiques ont montré que plus de 200 crimes d'honneur ont été signalés entre 2009 et 2011, bien que les chiffres exacts restent inconnus et sont certainement beaucoup plus élevés. Les taux d'homicides sont similaires en Syrie, avec 200 crimes d'honneur commis chaque année soit 16 Syriennes assassinées par un membre de leur famille chaque mois (Human Rights Watch).