« C'est avec soulagement mais non sans amertume que nous avons accueilli la décision la Cour d'appel dans le dossier de Hanaa » déclare Karima Nadir, activiste du collectif « Hors la loi » avant de se féliciter de sa libération. « Hanaa ne retournera pas en prison, ce qui est en soi une délivrance », commente le collectif dans un communiqué rendu public jeudi soir, quelques heures après la prononciation du jugement. Lois liberticides Si avant le procès les activistes s'inquiétaient, dans une vidéo diffusée en live depuis Tétouan, de l'application de la loi, elles exprimaient pourtant leurs espoirs dans une éventuelle jurisprudence audacieuse de la part des juges. « Pour espérer un changement, il faut qu'un juge ait le courage de prononcer un jugement audacieux qui pourra acquitter Hanaa qui reste une victime dans cette affaire », soutient Karima Nadir. Des espoirs qui ont été exaucés en partie. « L'autre message positif c'est que le procureur du roi a décidé d'étendre le mandat de recherche de l'auteur de la vidéo et de sa diffusion au niveau international alors qu'il était jusque là juste au niveau national », ajoute le communiqué de Hors la loi en se réjouissant « des messages positifs envoyés par la justice ». Revenant à la charge, le collectif appelle par la même occasion le législateur à prendre le relais pour abroger définitivement les dispositions liberticides du code pénal. « Une mesure susceptible de désengorger nos tribunaux de dossiers qui n'ont rien à y faire », insiste le collectif. « Moulate lkhimar » Cette affaire a éclaté en janvier 2021, après la diffusion, à grande échelle, d'une vidéo relatant les ébats sexuels de la jeune femme et son compagnon. Aussitôt identifiée par la police judiciaire, la concernée a été arrêtée et soumise aux interrogatoires tandis qu'un avis de recherche a été lancé contre son partenaire, suspecté d'être derrière la diffusion de la vidéo. Et ce qui a commencé par de la compassion envers Hanna a finalement pris la forme d'une pétition populaire réclamant sa libération. Pourtant elle a été présentée devant le tribunal de première instance et a été condamnée à un mois de prison ferme. Libertés individuelles, encore et toujours « Le code pénal marocain est en profond décalage avec l'évolution et les mutations de la société marocaine. Ces lois favorisent la culture du scandale et facilitent la tâche aux personnes mal intentionnées pratiquant le chantage à l'aide de photos et de vidéos privées », dénoncent les pétitionnaires. Remettant au goût du jour le grand débat sur les libertés individuelles au Maroc, l'affaire de « Moulate lkhimar» n'est ni la première ni la dernière du genre... Comme l'affirment d'ailleurs les chiffres effarants d'une enquête menée par le Haut Commissariat au Plan concernant la cyber-violence, datant de 2019. Ainsi elles sont près de 1,5 million de femmes au Maroc à en être victimes au moyen de courriels électroniques, d'appels téléphoniques, de SMS... avec une prévalence de 14%. Ceci sans compter les 66% des victimes préférant se murer dans leur silence et subir, passivement, les assauts des maîtres chanteurs (Selon une étude de l'ATEC sur la violence numérique). Stop 490 Comme une épée de Damoclès, l'article 490 du code pénal reste pour les militants un moyen de pression et de chantage contre les victimes. Cet article, objet de l'ire des défenseurs des droits humains et des libertés individuelles, stipule en effet que, sont passibles «d'emprisonnement d'un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles».