Une certaine anxiété était palpable ces dernières semaines au Caire. A la mi-mai, la mort subite à Paris de l'aîné des petits-fils de Hosni Moubarak, a énormément affecté le président. Il était très proche de ce garçon de 12 ans sur lequel il veillait quotidiennement. Ils avaient l'habitude de se téléphoner chaque soir. Aussi la question de la succession de Hosni Moubarak, 81 ans, manifestement fatigué et dont le mandat se termine en 2011, est-elle reposée avec acuité. Gamal Moubarak, 46 ans, fils cadet du Raïs, succédera-t-il à son père ? Le président et son fils se défendent de vouloir transformer l'Egypte en une «république héréditaire». «Je ne suis pas candidat. Je l'ai répété et je le redis», affirmait Moubarak Junior au début de l'année. L'opposition n'en croit pas un mot. Car cet économiste élégant et sportif passé par la banque (au Caire et à Londres), au look de haut fonctionnaire, a pris une place croissante au cur du pouvoir. Au parti, le PND, parti national démocrate, dont son père est président, il est le numéro 3. Or, c'est le PND qui choisit le candidat du pouvoir à la présidentielle. Depuis 2002, Gamal Moubarak, Jimmy pour les intimes, agit sur deux fronts. Le premier : il veut moderniser le parti autrefois unique et socialisant, dérouiller un système politique pesant. Des jeunes sont entrés au PND, une nouvelle garde souvent formée à l'étranger, proche de Gamal. Elle est chargée d'insuffler de nouvelles idées au PND, de favoriser la transparence. Actuel secrétaire de la Commission des politiques, un poste clé créé pour lui, Gamal définit les stratégies du régime et donne sa feuille de route au gouvernement où il a placé ses «Gamal boys» aux ministères économiques (Finances, Tourisme, Habitat ) Deuxième front du «dauphin» : l'économie. Banquier, chantre du libéralisme, proche des milieux d'affaires américains, Gamal Moubarak et son équipe veulent balayer les oripeaux socialistes de l'économie. Certains l'accusent même de vouloir imposer une révolution reaganienne aux 80 millions d'Egyptiens, majoritairement pauvres, dotés de salaires de misère et qui ne survivent que par les seules subventions de l'Etat. Un système malsain où le coût pour le budget du soutien au prix de l'essence est supérieur aux budgets de l'Education et de la Santé réunies. On comprendra que celles-ci soient dans un état pitoyable. Peu à peu, Gamal impose sa «patte» et modernise ce vieux pays dont la pyramide est un symbole ! Est-ce suffisant pour devenir le successeur? Gamal Moubarak n'a pas que des amis. Non seulement, on lui reproche de ne pas connaître le pays profond, mais sa filiation peut être aussi un handicap. Une grande majorité d'Egyptiens est fatiguée d'un régime vieux de 28 ans. Hosni Moubarak est arrivé au pouvoir en octobre 1981, après l'assassinat d'Anouar el-Sadate. Second handicap : Gamal ne semble pas avoir le soutien de l'armée qui reste, en dernier ressort, le faiseur de rois. Nasser, Sadate, Moubarak sont issus de ses rangs. Tous en Egypte sont persuadés que l'arrivée éventuelle de Gamal Moubarak au pouvoir dépendra des conditions dans lesquelles se passera la succession. Que l'actuel président passe la main et organise l'élection présidentielle et Gamal a toutes les chances de l'emporter. Mais si la succession survient après la disparition de l'actuel Raïs, ses chances sont minimes, estime-t-on. Dans l'immédiat, au Caire, des intellectuels laïcs aux Frères Musulmans, chacun assure que son rêve est de voir le général Omar Soleiman, 71 ans, chef des services de renseignements, s'installer au pouvoir pour une période de transition. Il semble bien curieux de préférer un centurion âgé à un civil jeune et moderne. Tout dépend en fait de ce que décidera Hosni Moubarak.