Sitôt débarqué à Yaoundé, Benoit XVI dénonce les maux de l'Afrique : violence, misère, abus de pouvoir, corruption. Comme en écho, au même moment, la première interview d'Andry Rajoelina dans les salons de la présidence malgache qu'il occupe avec ses partisans enfiévrés. Le maire d'Antananarivo demande qu'on l'appelle «Président». Il donne l'exemple. Il parle de lui-même à la troisième personne du singulier : «Andry Rajoelina est président par intérim de la Haute autorité de la transition», dit-il. L'effet serait comique si le nouvel homme fort de Madagascar n'incarnait l'espoir d'une population à bout de nerfs, après trois mois de crise qui ont laissé une centaine de morts sur le pavé. Toute révolution se grise de superlatifs. Celle du printemps à Madagascar débouche sur la confusion. Marc Ravalomanana, le président élu, est parti comme il était arrivé : sous la pression de la rue. Avant de disparaître dans la nature, il a tenté de sauver la face. Il a transmis le pouvoir à un «directoire militaire». Ce cabinet fantôme a fait long feu. Le chef d'Etat-major avait déjà fait allégeance à Andry Rajoelina. Un homme providentiel succède à un autre qui lui ressemble comme un frère aîné. Autant de charisme, aussi peu d'expérience politique. Deux hommes d'affaires, deux self-made men qui ont fait fortune puis laissé croire à leurs partisans que l'exploit serait réédité au profit du plus grand nombre. La même illusion qu'un peuple se gouverne comme on gère une entreprise. A l'heure de la crise mondiale, alors que Barack Obama lui-même ne parvient pas à freiner la chute de Wall Street malgré 800 milliards de dollars investis et qui semblent s'être évaporés... Les Malgaches veulent tourner la page. Pourtant l'histoire bégaie ! Comme un jour sans fin. 1972, 1991, 2002, 2009 : pour la quatrième fois, un soulèvement populaire renverse un régime devenu autiste et porte à sa tête un sauveur qui s'octroie les pleins pouvoirs. Andry Rajoelina promet de les rendre. Il a même dit quand et comment. Il programme les élections dans 24 mois. Pour cet homme pressé de 34 ans que les Malgaches ont surnommé TGV, c'est un siècle. Mais deux ans ne seront pas de trop pour faire l'apprentissage du pouvoir et conjurer la fatalité malgache.