FLEAU Le mariage des mineurs est un véritable phénomène de société au Maroc, autant que le viol. Les cas se multiplient et les lois tardent à changer. Le 10 mars 2012, le suicide d'Amina Filali, 16 ans, secoue le Maroc. Forcée de se marier avec son violeur, la jeune fille préfère mettre fin à ses jours en prenant de la mort aux rats. Une mort tragique qui soulèvera une vague de protestations contre l'article 475 du code pénal. Coupable d'offrir une issue aux violeurs, cette loi est alors accusée par les militants féministes de permettre aux violeurs d'échapper à la prison aux dépends des victimes. Qualifiée d'aberration totale par les défenseurs des droits des femmes, la suppression de la clause donnant au violeur le choix d'épouser sa victime est au centre d'un grand débat national. Un article parmi tant d'autres qui sont considérés comme décalés et incompatibles avec l'esprit d'une législation se voulant plus protectrice des droits des enfants et des femmes. Un an après cette triste affaire et au bout de nombreuses manifestations et d'un important débat national mené par la société civile sur l'article 475, Mostafa Ramid, ministre de la Justice, annonce, le 22 janvier 2013, l'amendement de cette loi. D'après le ministre, les amendements introduits à cet article controversé sont de nature à garantir la protection nécessaire des mineurs contre toutes les agressions sexuelles. Trois alinéas seront ajoutés à l'article 475 du Code pénal pour protéger davantage les enfants victimes d'atteinte sexuelle après un enlèvement ou un viol. Les amendements proposés par le département viendront également durcir les sanctions à l'encontre des criminels. « Si une relation sexuelle, même consentie, est suivie par un enlèvement ou un viol, la peine pourrait atteindre dix ans, et en cas d'attentat à la pudeur, elle atteindrait vingt ans ; en cas de viol, le coupable pourrait être puni d'une réclusion de trente ans », explique-t-on au ministère de la Justice. Chiffres ● Pas de chiffres officiels sur le nombre de viols au Maroc. Certaines sources associatives estiment qu'elles sont des dizaines de milliers à en être victimes ● 40.000 mariages de mineures en 2011 ● Un chiffre qui représente 12% du total des unions au Maroc. ● 93% concernent les filles entre 16 et 18 ans ● 6% des mariées ont moins de 16 ans. « Ce sont les droits des mineurs qui seront protégés davantage grâce à la suppression de ce second paragraphe. La législation pénale marocaine doit s'adapter à l'évolution de la société et aux valeurs universelles des droits de l'Homme », commente Najat Anouar, présidente de l'association «Touche pas à mon enfant ». Si pour de nombreux observateurs, la suppression de cette clause est une victoire de la société civile qui a tant milité pour la protection juridique des femmes et des enfants, ces deux catégories n'en sont pas moins menacées. Car pour de nombreuses ONG féministes, le combat n'est pas encore fini. L'amendement de la loi 475 étant toujours en gestation à la chambre des représentants, un autre débat se lève cette fois par rapport aux propositions d'amendements de l'article 20 du Code de la famille pour stabiliser l'âge de mariage à 16 ans. Cet article autorise en effet aux juges de donner des dérogations pour le mariage des mineurs (moins de 18 ans). Une proposition qui a suscité la colère des féministes qui réclament la suppression immédiate des articles 20, 21 et 22 autorisant toute dérogation. Un grand recul, c'est ainsi que les activistes féministes évaluent ce projet d'amendement proposé par le même Ramid qui veut amender l'article 475. « Un pas en avant, deux en arrière », crient les protestataires. seraitce le cas ? Pour en savoir plus, attendons la rentrée qui s'annonce déjà chaude et animée par les feux de débats cruciaux pour les droits des femmes, mais également des enfants.