Au Caire, l'armée a, lundi, sifflé la fin de la récréation. « Nous ne laisserons pas le chaos s'installer », a menacé le maréchal Sissi, ministre de la Défense. « Les forces armées ne garderons pas le silence si le pays risque de s'enfoncer dans un conflit incontrôlable », a-til précisé. Diantre. Que se passe-t-il donc en Egypte ? Le 30 juin, le président Mohamed Morsi fêtera sa première année de pouvoir. Elle finit mal pour le chef d'état. Premier président islamiste, il a été élu l'an passé d'une courte tête (51,8% des voix), à son poste, pour un mandat de quatre ans. Une légitimité obtenue dans les urnes mais de plus en plus contestée par une large partie de la population, y compris parmi les gens modestes. C'est pain béni pour l'opposition libérale qui veut manifester, le 30 juin, au Caire, et dans tout le pays, avec l'objectif d'obtenir le départ du chef de l'Etat et des élections anticipées. Les opposants affirment qu'ils resteront sur la place Tahrir et devant la présidence, tant qu'ils n'auront pas obtenu satisfaction. Pour justifier ce mot d'ordre fort peu démocratique : les 15 millions de signatures recueillies en deux mois auprès d'Egyptiens qui ont donné leur nom et leur numéro de carte d'identité. Chacun craint d'énormes dérapages, car les fidèles de Morsi n'entendent pas se laisser priver de leur victoire électorale. Le ton monte de part et d'autre. Le 21 juin, pour montrer sa force, le pouvoir a organisé un rassemblement de plusieurs milliers de sympathisants islamistes. Les opposants n'en ont cure, et se disent prêts à « mourir ». Si les autorités semblent tétanisées par l'ampleur de la contestation qu'ils sentent monter autour d'eux, c'est qu'ils n'ont pas réussi à s'imposer dans l'administration, ni dans la société qui rejette son islamisation, si jamais les Frères musulmans en avaient eu l'intention. Les petites gens leur reprochent l'augmentation des prix, les pénuries et les coupures de courant, le chômage en hausse. La bourgeoisie libérale les soupçonne de vouloir mettre la main sur l'Etat en plaçant leurs hommes à tous les grands postes de l'administration pour noyauter l'Etat. Leur manque d'expérience politique est évident, leur absence de programme économique aussi, comme leur maladresse dans la gestion des hommes. Le pays tourne mal : les touristes ne sont guère revenus, les investissements égyptiens et étrangers sont abonnés absents, les capitaux ont fui, les réserves de change sont négatives et le pays survit grâce aux coups de pouce financiers du Qatar, de la Turquie et de la Libye. En fait, l'incroyable vitalité de la société civile rend la vie dure au pouvoir. La récente nomination de 7 gouverneurs Frères musulmans (portant leur nombre à 11 sur 27) a entraîné une rébellion dans tout le pays. Pas un gouverneur n'est entré dans son bureau. Celui de Louxor a préféré démissionner. Ex-membre des Gamaat islamiya responsables de la mort de 62 touristes, à Louxor en 1997, sa nomination a suscité l'opprobre en Egypte et à l'étranger. Elle a surtout montré la totale inexpérience d'un pouvoir qui semble vivre hors du temps. Il est rejeté même par ses soutiens d'hier, l'église copte et El Azhar. « Rien n'interdit dans l'islam de manifester », a répondu le cheikh Tayeb, imam d'El Azhar à Mohamed Morsi qui cherchait son soutien.