L'opposition égyptienne va de nouveau manifester vendredi, au lendemain du refus du président Mohamed Morsi de retirer le décret par lequel il s'est octroyé des pouvoirs exceptionnels, malgré des protestations de masse et des violences meurtrières. La grave crise politique qui divise le pays depuis l'annonce de ce décret le 22 novembre a dégénéré en affrontements entre pro et anti-Morsi devant le palais présidentiel cette semaine, au cours desquels sept personnes ont été tuées et des centaines blessées. Le Front du salut national (FSN), une coalition de l'opposition présidée par le Prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, a renouvelé son appel à manifester en estimant que «le fait que la présidence (...) persiste à ignorer les demandes et les protestations du peuple a fermé la porte à toute tentative de dialogue». Les jeunes du 6-Avril, qui avaient contribué à lancer la révolte contre Hosni Moubarak l'an dernier et font partie du FSN, ont appelé à marcher sur le palais présidentiel au Caire et à manifester dans le reste du pays. «A bas le pouvoir du Guide» des Frères musulmans dont est issu le président, «A bas Mohamed Morsi», ont-ils lancé dans un communiqué. Vendredi matin, les abords de la présidence à Héliopolis, en banlieue du Caire, avaient l'apparence d'un véritable camp retranché. Toutes les rues menant au palais étaient barrées par des barbelés et gardées par de nombreux soldats et et policiers anti-émeutes. Des chars et blindés étaient positionnés sur les principaux axes à proximité du palais. Dans un discours au ton offensif, qui était très attendu mais a aussitôt été rejeté par l'opposition, M. Morsi a refusé de faire machine arrière jeudi soir, maintenant ses prérogatives ainsi que le référendum contesté sur la Constitution. «Nous respectons la liberté d'expression pacifique, mais nous ne laisserons jamais personne participer à des meurtres et à des actes de sabotage», a-t-il dit. Morsi appel au dialogue sans rien concéder Le président a appelé «tous les partis politiques à un dialogue le samedi 8 décembre au palais présidentiel» pour discuter de l'élaboration d'une loi électorale et de la feuille de route à suivre après le référendum. Le président égyptien Mohamed Morsi s'est montré ferme sur ses prérogatives et le projet de Constitution qui divise le pays, tout en invitant l'opposition au dialogue, dans un discours à la nation jeudi soir, après des affrontements meurtriers entre ses partisans et ses détracteurs. Dans un discours au ton offensif, M. Morsi a cependant assuré que ce référendum sur le projet de Loi fondamentale se tiendrait comme prévu le 15 décembre et qu'après le scrutin, le peuple devrait «suivre sa volonté». «Nous respectons la liberté d'expression pacifique, mais nous ne laisserons jamais personne participer à des meurtres et à des actes de sabotage», a-t-il ajouté, alors que le pays traverse la crise politique la plus profonde depuis son élection en juin. Jeudi soir, M. Morsi s'est dit prêt à renoncer à l'article 6 du décret, qui permet au président de «prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le pays et les objectifs de la révolution». Il n'a cependant rien dit sur l'article mettant ses décisions à l'abri de tout recours en justice. Une dérive dictatoriale Dénonçant une dérive dictatoriale, l'opposition réclame le retrait d'un décret du 22 novembre dans lequel le président a considérablement élargi ses pouvoirs, ainsi que l'abandon du référendum sur un projet de Constitution accusé d'offrir peu de garanties pour les libertés d'expression et de religion. Hussein Abdel Ghani, un porte-parole du FSN, a rejeté cet appel en jugeant que le président avait laissé passer «une chance historique d'agir comme le président de toute l'Egypte». «Nous continuerons à faire monter (les manifestations), en usant de moyens pacifiques», a-t-il ajouté. L'opposition dénonce une dérive autoritaire de M. Morsi depuis que ce dernier a élargi considérablement ses pouvoirs par un décret mettant à l'abri de tout recours en justice ses décisions ainsi que la commission constituante accusée d'être largement dominée par les islamistes. Elle demande aussi l'abandon du référendum prévu le 15 décembre sur le projet de Constitution, accusé entre autres d'offrir peu de garanties pour les libertés d'expression et de religion. Quatre conseillers du président ont démissionné pour protester contre le décret et la gestion de la crise, la plus profonde depuis l'élection en juin de M. Morsi, premier président islamiste d'Egypte. Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, a demandé au président de suspendre son décret pour sortir de l'impasse. Le président américain Barack Obama a téléphoné à M. Morsi pour lui faire part de sa «profonde inquiétude» à propos des morts et des blessés lors des manifestations. «L'Egypte demande que les Frères soient jugés pour le meurtre de manifestants», proclamait vendredi le quotidien indépendant Al-Tahrir. Le journal de la puissante confrérie islamiste, «Liberté et Justice» titrait de son côté sur «Les martyrs... et les meurtriers», au-dessus d'une photo de trois victimes des violences et des trois principaux leaders du FSN, M. El Baradei, Amr Moussa, l'ancien patron de la Ligue arabe, et Hamdan Sabbahi, ex-candidat à la présidence. Ces derniers jours, des manifestants hostiles à M. Morsi ont saccagé ou incendié plusieurs locaux des Frères musulmans, dont leur siège au Caire jeudi soir.