Le Roi Mohammed VI a, comme prévu, salué l'élection du noir américain Barack Obama. La teneur convenue du message royal en cette circonstance, n'empêche pas de commencer sérieusement à se poser des questions, du moins pour ce qui concerne l'avenir des relations entre Washington et Rabat. Il serait vain de vouloir tirer des plans sur la comète, tant l'avenir du monde est incertain. Le nouveau Président, malgré toutes ses promesses et ses évidentes résolutions, aura les mains liées par les orages qui pointent à l'horizon. Dans la mesure même où il pourra, avec l'aide efficiente de la nouvelle administration américaine, combattre et juguler la crise financière, le Président démocrate devra s'atteler à mettre le pays hors de portée d'une récession qui risque de se transformer, si on n'y prend garde, en une dépression aux effets ravageurs. Cet énorme chantier durera plus de deux ans au moins et empêchera sûrement Barack Obama de s'intéresser à autre chose. Oui, bien sûr, les Etats-Unis garderont un oeil plus que vigilant sur les grands dossiers d'une politique internationale que le partant George W. Bush a contribué à rendre brûlants (l'Irak, l'Afghanistan et le reste). Sans parler du Moyen-Orient où tout reste à faire. Et le Maroc, dans toute cette conjoncture aussi compliquée qu'instable ne pourra pas se prévaloir d'une espèce de droit de priorité, ni montrer une quelconque impatience, quelque séculaire et profonde que paraît avoir été l'amitié entre les deux Etats. Pendant cinq années (1958 à 1962), rappelle-t-on volontiers à Washington, l'aide extérieure au Maroc a été exclusivement américaine. Il y a là, quand même un argument fort pour démontrer, s'il en était besoin, qu'il est hors de question de pouvoir affirmer qu'il est possible d'y voir de la part des Américains, une quelconque mauvaise volonté quand il s'agit d'aider économiquement et financièrement le Royaume. D'ailleurs, faudrait-il oublier qu'en 1906, lors des négociations à Algésiras, qui virent un front pratiquement uni des puissances européennes (donc colonialistes) face à un Maroc acculé à une difficile stratégie défensive, l'Amérique était seule à montrer quelque aménité à l'égard du Maroc. Mais, pourra-t-on demander à une Maison Blanche, aujourd'hui assaillie de nombreux et graves problèmes qui vont lui paraître autrement plus urgents, de se préoccuper outre mesure du sort de cette nation de quelque trente deux millions d'âmes, même si apparemment elle occupe une position géographique encore définie de «stratégique» et même si, politiquement, elle ne saurait être prise pour quantité négligeable. Cela ne signifie, en aucune manière, que le Maroc sera condamné à laisser faire et à s'imposer une attitude a minima, dirions-nous. A l'instar de ce qui a été sa politique de ces dernières années, notamment quand il lui a fallu négocier les clauses de l'Accord de libre echange avec les Etats-Unis d'Amérique avec la pugnacité remarquable dont il avait fait preuve, c'est avec énergie et volontarisme qu'il est nécessaire actuellement de poursuivre le dialogue avec nos amis d'Outre-Atlantique. D'ailleurs, c'est là le seul langage qu'ils comprennent en fin de compte, puisqu'ils n'ont de fil conducteur le plus souvent que celui inspiré de la stricte observance de leurs intérêts propres bien compris. Aux Marocains d'en faire de même, de s'armer de patience espérant que la grosse bourrasque mondiale ne durera pas trop longtemps, jusqu'à devenir insupportable. En attendant, le Royaume, qui n'en est pas heureusement à un têteà- tête exclusif avec le géant américain, se doit de continuer ses actions vers ses autres partenaires, dont principalement l'Union Européenne, avec laquelle il a obtenu le «statut avancé» que l'on sait. Pour le reste, le Roi et son gouvernement se doivent de travailler à faire de notre pays la puissance moyenne, respectée sur le plan international. Respectée et écoutée parce qu'elle sait jouer un rôle non dérisoire dans le monde. En ce qui concerne la Palestine, la présidence du Comité Al-Qods doit servir à asseoir le leadership légitime du Maroc dans un «Grand Moyen Orient» nouvelle-nouvelle manière où les partenaires actuellement traditionnels peinent à trouver réellement leurs marques. Car, il faut s'en persuader, c'est cela seul qui contribuera grandement à maintenir le Royaume fort dans sa constance à maintenir une intégrité territoriale si férocement combattue par l'Algérie et sa créature le Polisario. Dans ce domaine, la détermination marocaine dans le traitement de son dossier principal, celui dit de l'intégrité territoriale (récupération de son Sahara, situé dans la partie occidentale du grand désert qui coupe le continent africain de la Mer Rouge jusqu'à l'Océan Atlantique) doit être pleine, entière et continue. La position des Etats-Unis d'Amérique à ce sujet s'avère essentielle, surtout depuis que le Maroc a fait de la proposition de règlement définitif de cette question, basée sur l'autonomie interne accordé aux Sahraouis, un point modal. Les Etats-Unis, s'ils vont plus loin que leur principielle déclaration qui considère la proposition marocaine comme «sérieuse», «crédible», «réaliste » et sûrement «réalisable», influeront sur l'Affaire. Rappelons que lorsqu'il a annoncé, dans son discours du 6 novembre dernier, anniversaire de la Marche Verte, que le Royaume allait réformer sa Constitution pour permettre l'installation d'une régionalisation avancée, le Souverain alaouite démontre, avec exemple à l'appui, que l'offre d'autonomie interne pour sortir l'affaire du Sahara de l'ornière où l'Algérie veut la confiner, n'est pas dictée par une quelconque tactique opportuniste et retardataire, mais bien en raison de convictions fondamentales et en voie de pérennisation. Il est de bon ton dans les milieux spécialisés s'occupant des affaires américaines de faire une dichotomie franche entre Républicains et Démocrates, quand il s'agit particulièrement du Maroc. Le Royaume serait le protégé du Parti de George W. Bush, tandis que celui de Barack Obama et de Bill Clinton serait en butte aux tracasseries suscitées prétendument par des manquements répétés aux droits de l'homme. Nous pensons qu'il est fallacieux qu'on en reste là à tisser les sempiternelles platitudes réifiées. Quel est le pays le plus avancé démocratiquement dans le Maghreb, sinon dans le monde arabe ? Du moins à l'aune des critères actuels. Assurément, même si on fait dans la modestie feinte, c'est le Maroc d'aujourd'hui. Nous ne pouvons donc que continuer à rencontrer nos alliés américains sur le chemin difficultueux qui nous attend en tandem. Il est impératif, bien sûr, de régler la question de l'armement du Maroc par les Américains, concurremment avec la France amie, de consolider l'Accord de la zone de libre échange à la constitution éthique et aux effets maigrichons. D'autres et d'autres choses encore, tant les échanges commerciaux et économiques demeurent si loin, dans leur envergure réelle, des espérances ainsi que des ambitions de part et d'autre. Barack Obama et sa nouvelle équipe s'apercevront très vite que ce pays de la Méditerranée occidentale et de l'Atlantique, ce pays arabe et africain, est le pôle essentiel de la stabilisation et de l'équilibre géopolitique de la région euro-africaine. Le bon sens, dont ne manque pas le nouveau président des Etats-Unis, voudrait que notre pays devienne très vite l'allié privilégié des Américains, surtout après que Washington aura soldé ses comptes en Afghanistan et surtout en Irak, sans oublie de faire droit aux attentes des Palestiniens trop longtemps meurtris dans leur dignité.