Medradio et kifache.com, médias appartenant à notre groupe, ont réalisé un reportage sur les enfants de la rue. L'un des témoignages recueillis à l'occasion a totalisé sur le net plus d'un demi-million de visiteurs. Ce témoignage est celui d'un garçon de seize ans, Rachid, surnommé « le djinn ». Il a quitté sa famille alors qu'il n'avait que sept ans et ne sait même plus où elle habite. Ses paroles sont aux antipodes des clichés. Il ne revendique rien d'autre que de recouvrer sa citoyenneté. Des ONG internationales ont aussitôt pris contact pour l'aider. Il est grand temps de nous pencher sur le problème des SDF, au-delà des clichés qui confortent certaines positions acquises. Au Maroc, le phénomène concerne davantage les enfants que les adultes ou les vieux. Il est clair que l'éclatement de la famille traditionnelle est en cause. Alors qu'en majorité, les vieux continuent à bénéficier de la protection familiale, il y a de plus en plus d'enfants qui sont jetés à la rue. Des familles où règnent la violence, l'insécurité matérielle, l'absence d'écoute, parfois pire, c'est-à-dire l'inceste, le viol, poussent des enfants vers le monde insécurisé des rues, qui permet une survie artificielle par le phénomène des bandes. Une sorte de socialisation par le dépit, la force du réel. Le Maroc ne peut plus faire semblant. Le travail associatif, malgré le soutien financier, à la fois étranger et national, a montré ses limites. Ses résultats sont médiocres en termes d'insertion, de maintien dans les familles. La majorité des pris en charge, retourne à la rue et à son enfer. C'est un défi sécuritaire, parce que ces bandes d'enfants glissent rapidement vers la criminalité, pour des raisons de survie. Mais c'est surtout un défi sociétal. La précarité pesante de valeurs liées à la ruralisation des villes est un élément de l'éclatement de la famille. Les filles et les garçons de la rue sont des victimes de ces dérives sociétales, et non pas des individus qui ont choisi, à sept ans, ce mode de vie humiliant et dangereux. Réduire la responsabilité de la gestion de ce phénomène à l'Etat est à la fois imbécile et irresponsable. Il faut qu'il y ait une politique de soutien social aux familles en difficultés, de protection de l'enfance, y compris en milieu familial. C'est extrêmement coûteux, et c'est une organisation complexe à mettre en place. C'est le rôle des institutions étatiques. Mais il nous faut des ONG plus sérieuses, des donateurs plus généreux et surtout une implication de la population. L'enfant des rues est d'abord un enfant maltraité dans l'indifférence des voisins, de l'enseignant... Il nous faut une véritable révolution culturelle. Il suffit que chacun d'entre nous accepte l'idée selon laquelle s'il était élevé dans les mêmes conditions, lui aussi aurait été Rachid le « djinn ».