Outre les impacts néfastes sur l'économie, l'informel représente un danger sur la santé et la sécurité des travailleurs. Pour l'éradiquer, certaines mesures ont été adoptées. Mais, beaucoup reste à faire, et ça urge. La tragédie de Tanger qui a coûté la vie à 29 personnes ne peut pas passer inaperçue. L'enquête est en cours pour déterminer les tenants et aboutissants de cette affaire. En attendant, il faut dire que ce drame n'est pas le premier du genre. Et l'informel a la peau dure depuis de longues années. Une étude de la CGEM publiée en 2018, montre que l'économie informelle pèse plus de 20% du PIB hors secteur primaire, soit l'équivalent de 170 MMDH par an et pas moins de 30 MMDH comme manque à gagner. «La situation s'est aggravée en 2020 lors de la pandémie », souligne le président de la CGEM, Chakib El Alj. De son côté Hicham Zouanat président de la commission sociale au sein du patronat note que la pandémie de 2020 a démontré l'ampleur de l'informel. «C'est lorsque l'Etat a voulu verser des indemnités de soutien aux gens, qu'on s'est rendu compte que le phénomène est très important. On est passé d'une estimation de 2 millions à un total de 4,5 millions de foyers. Enorme ». Le patronat, distingue deux types d'informel, petit qui regroupent les gens qui travaillent le jour au jour pour survivre et le grand informel. Là on parle d'un informel structuré comme c'est le cas dans le secteur du textile, du BTP...Pour freiner le développement du fléau, un ensemble de mesures ont été adoptés au cours de l'année 2020. Le vice-président de la CGEM, Mehdi Tazi, évoque la pénalisation des fausses factures, la décision de la fermeture quasi-totale et l'interdiction de l'entrée illégale de marchandises aux postes-frontières de Sebta, de Melilla et de Guergarate... «le nombre d'actions qui vont dans le sens de l'éradication de l'informel, est considérable , mais de loin pas suffisant », juge Tazi. TVA sociale pour réduire le gap « Pour que la relance post-Covid soit saine et durable, il faut impérativement réduire le gap entre le formel et l'informel », déclare Chakib El Alj qui annonce la mise en place d'une task force dédiée pour travailler avec l'Etat sur ce sujet et étudier les voies à exploiter pour aller plus rapidement dans le ses de l'éradication du fléau. «Il va falloir avoir du bon sens du pragmatisme et trouver des solutions réalistes à ces travailleurs », insiste Alj. Pour Hicham Zouanat, pour traiter cette problématqiue, il faut d'abord comprendre les raisons qui poussent les gens vers l'informel. Dans ce sens, il cite deux facteurs : l'évasion fiscale et l'évasion sociale. Sur le volet fiscal, il explique : «avec une moyenne de 25% d'IR sur les salaires octroyés, et 25% pour les charges sociales, il y a donc un différentiel de 50% d'un salaire pour une entreprise organisée concurrencée de manière déloyale par une autre opérant dans l'informel, sans parler de l'absence des conditions de sécurité au travail... ». Solution ? «Il faut concilier le formel et l'informel en essayant de réduire le gap entre le cout social fiscal « 0 » et un coût de 50% pour un salarié », préconise t-il. Pour le patronat, le Maroc doit saisir cette opportunité de refonte du système de protection sociale et généralisation de l'AMO dictés par le Roi. «L'idéal serait donc de procéder à une refonte du système de financement de l'AMO », insiste Zouanat. Pour lui, la TVA sociale est un vrai dispositif qui ne rajoute pas de coût ni de surplus mais permet de repenser le financement de la protection sociale en augmentant la compétitivité des entreprises et réduisant la tentation d'aller vers l'informel. Comment ? «à travers ce dispositif, on va régler deux problématiques : renforcer la compétitivité des entreprises et financer la protection sociale par la consommation et non pas le travail. Le gap qui pousse certains à aller vers l'informel pour ne pas payer les 25% des charges sociales va donc être réduit », détaille Zouanat qui tient à souligner que le dispositif est en cours d'étude au niveau de la CGEM. Fin de l'informel, la recette du patronat L'intégration du petit informel et l'éradication du grand informel figurent en tête des priorités de la CGEM au cours de l'année 2021. Pour le petit informel, outre l'élargissement de la couverture sociale, la CGEM recommande le déploiement du Mobile Payment, la refonte du statut de la microfinance pour en faire un levier plus fort d'inclusion, le développement des outils de financement des TPE et des Particuliers, la dématérialisation des paiements et le renforcement de l'éducation financière. Pour le grand informel, la patronat appelle à l'éradication de la rente (identifier et supprimer les sources de rente), le renforcement de l'action douanière au niveau des frontières (contrebande), la lutte contre la corruption (dématérialisation des échanges avec l'administration) avec un accompagnement dans l'intégration des UPI (unité de production informelle) à l'économie formelle et ce en adoptant un cadre réglementaire spécifique et incitatif pour les UPI et un appui à l'accès au marché.