Le milieu de terrain du Real Madrid est la plaque-tournante du dispositif croate et sera le danger n°1 des Bleus dimanche en finale. La vidéo avait eu son petit succès à la veille de la dernière finale de la Ligue des champions. On y voit Zinédine Zidane centrer pour ses joueurs lors d'une banale séance d'entraînement du Real Madrid. Sur l'un de ces centres, Luka Modric exécute une reprise acrobatique de toute beauté. « Il devrait tirer plus souvent, car il a un coup de patte phénoménal », disait de lui son désormais ancien entraîneur. Les Bleus espèrent que la star croate ne suivra pas les conseils de « Zizou », dimanche à Moscou. Modric n'est pas un buteur (14 buts en 112 sélections). Cela ne l'a pas empêché de marquer deux fois dans ce Mondial, notamment sur une frappe somptueuse contre l'Argentine. Mais il est avant tout le formidable chef d'orchestre de l'équipe dalmate. Joueur d'instinct au style dépouillé, sa vision de jeu phénoménale et ses passes laser peuvent déstabiliser une défense à tout moment. De Zagreb à Bernabéu, en passant par Tottenham, ses extérieurs du pied font se pâmer les fans avertis et régalent ses coéquipiers. « Tout le jeu de la Croatie passe par lui », prévient le défenseur des Bleus Samuel Umtiti. « Modric est le meilleur milieu de terrain du monde, le plus complet », estime pour sa part Slaven Bilic, demi-finaliste en 1998 et ancien sélectionneur croate. N'Golo Kanté aura un sacré client face à lui dimanche. Placé plus haut sur le terrain en sélection qu'à Madrid, de façon à ce que lui et Ivan Rakitic, l'autre étoile croate, ne se marchent pas sur les pieds, Modric ne laisse pas sa part aux chiens dans le travail défensif malgré la fatigue accumulée par une saison gargantuesque et des matchs à rallonge en Russie (trois prolongations disputées). « C'est parfois merveilleux de le voir courir après le ballon pendant 115 minutes pour le récupérer… Ça montre son caractère, souligne son sélectionneur Zlatko Dalic. Il joue l'un des meilleurs footballs de sa carrière. » Au point que son nom circule, à raison, pour le prochain Ballon d'or. Brisera-t-il l'hégémonie décennale de Ronaldo et Messi ? Pour cela, il devra sans doute soulever le trophée dimanche, lui qui a empoché sa 4e Ligue des champions avec le Real au printemps. Dans l'œil du cyclone À 32 ans, le capitaine croate n'a plus de temps à perdre pour triompher en sélection. Et redorer une image ternie au pays. L'ancien international Mario Stanic a beau dire dans la presse croate que Modric « ne joue pas au football, il le prêche », la star, par ailleurs appréciée pour son humilité et sa simplicité, n'est plus tellement prophète en son pays depuis qu'elle est soupçonnée de faux témoignage dans une affaire de corruption impliquant Zdravko Mamic, personnage sulfureux et très influent du football croate qu'il a côtoyé plus jeune au Dinamo Zagreb. Le numéro 10 et son coéquipier Dejan Lovren ont été mis en examen et encourent une peine de cinq ans de prison. Dans l'œil du cyclone, Modric en a néanmoins vu d'autres. À 6 ans, en pleine guerre d'indépendance, il dut fuir son village avec ses parents à la suite du meurtre de son grand-père et à la mise à sac de la maison familiale. Soulever le trophée dimanche n'effacera rien. Mais le « Mozart des Balkans » laisserait en héritage à la Croatie une symphonie pour l'éternité.