Nacer Ben Abdeljalil, 33 ans, banquier de métier, se prépare à devenir le premier marocain à gravir le mont Everest pour planter le drapeau marocain au plus haut sommet du monde. Un rêve qui remonte à l'année 2002. Le TeMPS : Pourquoi cette ascension, disons à haut risque ? Nacer Ibn Abdeljalil : J'ai toujours rêvé, dès mon plus jeune âge, d'accomplir cette prouesse. J'admets que je reste jusqu'à maintenant ébahi par sa crête et c'est d'ailleurs mon inspiration pour l'alpinisme. Aujourd'hui, je me sens prêt à affronter cette cîme, d'abord pour y planter le drapeau marocain. Notre drapeau sera ainsi présent sur le plus haut sommet du Monde comme les Américains qui auraient planté leur drapeau sur la lune. C'est un défi personnel. Ensuite, je voudrais lancer un message de bravoure à la jeunesse marocaine. Dans ce sens que rien n'est impossible à celui qui y croit. Avez-vous évalué objectivement les risques ? N.I.A : Je crois que c'est la raison pour laquelle aucun Marocain n'a jusque-là osé tenter l'ascension de ce Sommet. D'abord, c'est risqué. Ensuite, il n'y a pas de sponsor prêt à financer un tel projet, que je qualifierai crûment au-delà du réel. Si vous vous lancez par exemple dans un marathon et que vous êtes fatigué, vous pouvez vous arrêter et rentrer tout simplement en taxi. Ici, ce n'est pas le cas. A 8 000 mètres d'altitude, l'option de retour, d'attente des secours est carrément exclue. C'est le PNR (Point de Non Retour). Alors, quand on s'y engage, c'est pour de bon. Sinon, si les conditions normales de température et de pression ne sont pas remplies, mieux vaut s'abstenir (rires). Le risque existe fortement. Personnellement, j'ai essayé de le minimiser en suivant un entraînement approprié, en essayant de me faire aider par une équipe de professionnels. Nous serons une quinzaine en tout, dont des Anglais et des Norvégiens. Le risque le plus probant dans cette activité c'est la météo. Il suffit d'un bouleversement de nos prévisions climatiques pour que tout notre enthousiasme et notre palpitation chamboulent. Seulement, c'est cette montée d'adrénaline qui fait la beauté de toute ascension. Des maisons d'assurances sont-elles prêtes à relever avec vous ce challenge ? N.I.A : Tel est notre souhait le plus ardent, mais actuellement nous sommes encore en pourparlers. Ce sont des risques que même les grandes assurances ne couvrent pas. Pour plus de précisions, parmi mes sponsors il y a Wafa Assurances. Cette dernière est en négociation avec des assurances étrangères pour élargir la couverture des risques. Vous imaginez bien qu'une évacuation du Mont Everest coûterait une fortune. Avez-vous la nostalgie de vos débuts ? N.I.A : Il y a dix ans, précisément en 2002, je partageais mon bureau de travail à Londres avec un Autrichien qui était un mordu d'alpinisme. Il a déjà fait le Mont Blanc, l'Alaska et d'autres endroits. A cette époque-là, moi je faisais du marathon et lui me parlait d'alpinisme. Il m'a donné envie et m'a encouragé à relever le défi. Je l'ai accompagné au Mont Blanc en France. J'ai essayé et cela m'a beaucoup plu. L'alpiniste en moi était né. Des essais ici au Maroc ? N.I.A : Après mon immersion dans l'alpinisme à l'étranger, je suis revenu au Maroc et j'ai fait le sommet de Toubkal, ce qui tombait à pic puisque j'aime la neige. C'est plus risqué, mais c'est encore plus amusant et les paysages sont encore plus beaux. Je préfère une pente enneigée à une autre rocheuse. Les risques d'avalanche renforcent l'excitation. Quel état des lieux faites-vous de l'alpinisme marocain ? N.I.A : Les pratiquants de ce sport au Maroc sont peu nombreux et, pour la majorité, vivent dans des régions montagneuses. En général, ils ne disposent pas des matériels adéquats. Certains l'exercent comme une activité lucrative en tant que guides touristiques. Je me rappelle qu'un ami m'a écrit une fois pour me dire qu'il avait fait 2 500 fois le sommet de Toubkal. En Europe, l'alpinisme est un sport de luxe pratiqué par des personnes aisées. Ici, c'est le contraire. Les gens qui font de l'alpinisme sont les populations ordinaires des montagnes et le font par besoin et pour gagner de l'argent. Dernièrement, j'ai appris qu'il y avait deux Marocaines qui sont allées à l'étranger pour faire de l'alpinisme. C'est une bonne nouvelle pour le pays. En termes financiers, que représente une telle escalade ? N.I.A : La coquette somme de 800 000 DH en comptant l'assurance, les équipements et autres besoins. Pour l'instant, j'ai le privilège de bénéficier des faveurs de trois sponsors : Madurel, Aïn Altas et Wafa Assurance. Je voudrais bien que d'autres sociétés s'y mettent également. Vous vous imaginez bien que tout seul je n'arriverais pas à rassembler une telle somme (rires).