Dans un milieu d'affaires phagocyté par la cooptation machiste, elles s'imposent. Les stéréotypes ont la peau dure. Peut-on être femme, belle et, avec cela, percer dans les affaires ? Dans le milieu machiste du business, on n'y croit que peu. Pourtant, une génération de femmes a su s'élever au-dessus des clichés pour brouiller le déterminisme masculin de la réussite. Depuis l'accession au trône de Mohammed VI, la femme respire. Code de la famille et, beaucoup plus récemment, constitutionnalisation de la parité sont autant de tremplins pour un genre longtemps cantonné à la figuration. Le progrès est tangible. En 2004, seules 4 % des nouvelles entreprises ont été créées par des femmes. Aujourd'hui, le chiffre est passé à 14 %. Mieux, notre société patriarcale se prévaut désormais d'un des taux d'activité des femmes les plus élevés de la région : 28 %. Las, le topo est loin d'être idoine car nombreuses sont les discriminations qu'il s'agit de dynamiter. Les femmes dont on a choisi de vous conter le parcours sont de celles qui ne plient pas devant la pensée phallocrate. Elles prennent des risques, se battent, posent un genou à terre, échouent et recommencent de plus belle. Modèles de réussite, elles doivent leur statut à un acharnement herculéen. «Il n'est de richesse que de…femmes.» L'adage, par les temps qui courent, se vérifie de plus en plus. Bienvenue dans le monde des battantes. Réda Dalil Davos à elle ! Meriem Bensaleh-Chaqroun Question : qui peut se prévaloir d'une 21è place dans le prestigieux classement «Forbes» des businesswomen arabes ? Réponse : Meriem Bensaleh. L'administratrice, directrice générale des «Eaux minérales d'Oulmès», filiale du groupe Holmarcom (plus de 30 ans d'existence) est une winner à laquelle tout sourit. A chaque fois que vous achetez une bouteille d'Oulmès ou de Sidi Ali (c'est-à-dire très souvent), vous déposez quelques sous supplémentaires dans l'escarcelle de Mme Bensaleh. Cette super-diplômée (Paris Dauphine, MBA) développe pourtant les attitudes d'une autodidacte. Réserve et humilité la caractérisent. Dans la gestion des affaires, on la dit intraitable. On ne badine pas avec le business, d'autant que ses produits phares font partie du terroir. Alors, la vigilance devient une histoire de patriotisme. Patriote, elle l'est assurément. Quand le choix se porte sur elle pour l'organisation du festival de Casablanca, elle jubile. Ni une ni deux, elle prend le projet à bras-le-corps et transforme brillamment l'essai. Quoi qu'elle n'en assure plus la présidence, l'événement, aujourd'hui à sa septième édition, a su s'imposer comme un rendez-vous incontournable des musicos de la ville blanche. Forte d'un des réseaux les plus fournis du gotha des affaires, Mme Bensaleh a ses entrées à Davos et truste une foultitude de conseils d'administration. Mère de famille dévouée, elle met un point d'honneur à concilier vie conjugale, carrière professionnelle, mais aussi un sérieux engagement en faveur de l'environnement. Eau, santé, espaces verts, éco-conduite, sont autant de thèmes qu'elle défend avec fougue. Mieux, à ses postures écologiques, elle joint des actes concrets. Ainsi, en tant que commissaire pour la Journée de la terre, elle fut impliquée dans la rédaction de la Charte de l'environnement et du développement durable. Le profil type de la businesswoman citoyenne. • Reflexe win-win : Elle cède la filière embouteillage des boissons Pepsi, Mirinda et 7up à Varun beverages pour la coquette somme de 350 millions de DH. Nice ! La druidesse des marchés Fathia Bennis Au moment où le FMI se tâtait pour désigner son directeur général, de nombreuses voix sont montées au créneau pour rappeler qu'il existe chez nous un profit taillé sur mesure pour ce poste. Fathia Bennis. Cette travailleuse acharnée dispose d'un pedigree académique à faire pâlir de jalousie Christine Lagarde. Forte d'un triple diplôme de commerce international et droit des affaires, la surdouée établit ses quartiers à Bank Al-Maghrib en 1984, où, justement, en plein Plan d'ajustement structurel, elle prend en charge les tractations avec le FMI. Voguant de dossiers en dossiers, elle se découvre un dada : la finance. Sa passion trouvée, elle dépasse le cadre strictement applicatif de la discipline pour se plonger dans le conceptuel. C'est ainsi qu'elle refaçonne les fondamentaux du marché monétaire et restructure les modes de financement des établissements bancaires. Son excellence lui vaut le poste de directrice générale de la SBVC (Bourse des valeurs de Casablanca). Lorsqu'on possède le talent de Mme Bennis, on se fait repérer. C'est ainsi qu'en 2000, le roi Mohammed VI voit en elle une parfaite VRP pour le tourisme. Elle devient directrice générale de l'ONMT (Office national marocain de tourisme) et parvient à donner un coup de pouce au secteur. Ses performances lui valent une décoration des plus prestigieuses. En 2002, on lui attribue le grade de Chevalier de l'ordre du mérite de la République française. En 2005, elle cède aux tropismes financiers, et se fraie à nouveau un chemin vers les marchés. Elle prend donc les rênes de Maroclear dont elle fait une société de Bourse leader. Dotée d'un réseau en adamantium, elle siège dans une constellation de conseils d'administration, dont ceux de RAM et COMANAV. Une battante à qui tout réussit. • Réflexe win-win : Elle a su doter la place financière de règles prudentielles consolidant la transparence et la sécurité des transactions. En toute franchise ! Selwa Akhannouch L'épouse de l'actuel ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, partage les qualités de stratège de son mari, à l'exception près que son talent trouve son expression (exclusivement) dans le milieux des affaires. Salwa Idrissi, de son nom de jeune fille, n'a pas attendu l'âge adulte pour développer son penchant pour l'entreprenariat. Petite-fille de Haj Hmad Belfqih, un surdoué du commerce dont le principal fait d'armes est d'avoir structuré la filière nationale du thé, elle est pourvue d'un chromosome du business particulièrement tenace. Notant qu'une clientèle argentée était contrainte de voyager Outre-Méditerranée pour effectuer ses emplettes vestimentaires, elle a une fulgurance. Faire venir les enseignes les plus prisées par l'élite branchée. Son obsession : la proximité ; son atout : une rapidité d'exécution hors du commun. En 2004, son groupe Aksal, installe Zara à casa. C'est la ruée. L'enseigne est assaillie d'une nuée de midinettes trop heureuses de pouvoir s'habiller à la dernière mode sans régler en euro. Depuis, d'autres franchises ont rejoint l'écurie du groupe Aksal dont Dior et Massimo Dutti. Le succès de la franchise lady est telle que son ambition prend de l'épaisseur. C'est ainsi que germent dans son imagination les contours d'un projet pharaonique : Morocco'Mall. En matière de grande distribution, c'est probablement là le projet le plus audacieux d'Afrique. Un investissement de 2 milliards de DH, 10 000 m2, un gigantesque complexe rassemblant les concepts architecturaux les plus avant-gardistes. Salwa Akhannouch a mis les petits plats dans les grands. Pas moins de 300 franchises dont les galeries Lafayette et la Fnac joueront des coudes pour s'octroyer de la superficie dans cet espace traversé de parcs, d'aquariums et de jardins botaniques. Le nec le plus ultra. Outre un sens du business acéré, Mme Akhannouch se distingue par une deuxième obsession, autrement plus puissante : faire éclater le génie marocain à l'échelon continental. Son pari est en passe d'être réussi. Rendez-vous fin 2011. • Réflexe win-win : Dans le but de pourvoir de la ressource humaine au Morocco'Mall, Salwa Akhannouch crée, en février dernier, Aksal Academy. Cette école se fixe comme objectif, la formation de 5000 personnes dont 1200 rejoindront directement le personnel du plus grand mall d‘Afrique. The sky is the limit ! Saloua Kerkri Belkziz C'est l'incarnation d'une dichotomie entre le socialisme et l'entreprenariat. Signe des temps mondialisés où les idéologies n'ont plus de place. Salwa Belkziz est issue d'un clan farouchement fidèle à la gauche USFPéiste. Elevée dans le giron d'une famille adoratrice de débats politiques, la jeune Saloua fait ses gammes de communicantes hors-paire en croisant le fer de la rhétorique avec sa fratrie. Bac en poche, elle met le cap sur l'hexagone. Son choix académique : l'informatique. Très vite elle excelle dans la manipulation d'algorithmes et se fait repérer par Bull. Elle y officiera trois ans avant de céder aux mâtines de l'entreprenariat. Sa première boîte est le fruit de menues économies. Miracle, GFI lui propose un rachat. Elle accepte et demeure quand même aux manettes. Un brin féministe, elle prend sur elle d'éclater le plafond de verre imposé aux salariées. En 2000, elle crée le pendant féminin d'un organisme jusqu'ici lourdement phallocrate : la CGEM. Avec l'AFEM (Association des femmes chefs d'entreprise) sa voix commence à porter. A telle enseigne d'ailleurs qu'elle convertit son capital économique en un strapontin politique. En 2007, elle intègre l'hémicycle sous la bannière de l'USFP. Depuis, elle ne cessera de promouvoir l'égalité des chances et la parité hommes-femmes. Businesswoman émérite et militante engagée, Salwa Belkziz a bouclé la boucle. • Reflexe Win-win : Lancement de Casa pionnière, un incubateur destiné à encourager la libre-entreprise féminine. Un cœur gros comme ça Asmaa Chaabi Elle réussit l'exploit de ne pas être réduite à être «la fille de». Il faut en avoir de la détermination pour tracer son sillon dans l'ombre imposante d'un spectaculaire self-made man, Miloud Chaâbi PDG d'Ynna Holding. Enfant, Asma fait montre d'une intelligence rare. Née dans le lucre, elle développe une appétence pour les sciences exactes et tombe amoureuse des mathématiques. Son bac en poche, elle atterrit à Londres ou son penchant pour les équations fait un malheur à l'école polytechnique. De retour au pays, elle cède au schéma déterministe en intégrant l'empire tentaculaire du patriarche. Son esprit de synthèse y fera des étincelles. Très vite, elle gravit les échelons pour accéder au poste de Vice-présidente du groupe. Mais la jeune demoiselle ronge ses freins. Son objectif : se façonner une légende personnelle. Alors, elle s'implique dans la gestion de la cité. Première étape, se trouver une formation politique conforme à sa vision du monde. Le choix se portera sur le PPS. Elle y rencontre des jeunes cadres avec des idées plein la tête. En 2003, elle décroche le poste de Maire dans le fief de sa famille, Essaouira. La fringante présidente du conseil détonne par ses méthodes de gestion à l'anglo-saxonne. Elle met en branle la machine communale. Hyperactive, elle assujettit ses collègues à un rythme de travail draconien. Les résultats ne tardent pas à poindre. La ville est entièrement raccordée en eau électricité et en eau potable, une grande partie de l'ancienne médina (inscrite dans le patrimoine mondial de l'UNESCO) est restaurée. A.Chaabi n'aime rien tant que le contact humain. Ceux qui la connaissent vantent son amour de la proximité. Il n'était pas rare qu'on la croise déambulant dans les ruelles de l'ex-Mogador, se mélangeant nonchalamment à la population locale. En 2009, elle abandonne la politique pour se consacrer à la promotion de la femme. Elle s'implique dans l'International Women's Forum, une plateforme regroupant 3500 femmes dans 21 pays. Dans le cadre de ce programme, Mme Chaâbi résume son action : «Je veux aider les filles et les femmes à émerger». Tout est dit ! • Reflexe Win-win : Invitée par l'Arab American Institute, elle représente le Maroc à la cérémonie d'investiture de Barack Obama. Bel honneur ! Gestion & érudition Nezha Lahrichi On peut difficilement avoir un CV plus fourni que celui de Nezha Lahrichi. Cette battante est l'exemple type de la femme qui pourfend l'oligarchie masculine du pouvoir. Ses champs d'expertise sont multiples, ses réalisations innombrables. Tour à tour économiste, députée, patronne d'entreprise, elle est en outre la première femme dans l'histoire de notre pays à avoir obtenu un doctorat. Ce côté précurseur émaillera une carrière sous-tendue par une volonté d'enseigner, de partager. Et pour cause, elle commence son parcours en tant que professeur d'économie à l'ISCAE. Au gré des cours magistraux, elle développe une expertise mondialement reconnue, en relations économiques et monétaires internationales. Ses analyses la font remarquer. Elle s'impose comme la spécialiste nationale des équilibres macroéconomiques et de la dynamique des échanges. Sa compétence lui ouvre les voies de plusieurs instances officielles. Elle distille sa maîtrise de la finance au sein des Conseils scientifique du centre marocain de la conjoncture et celui de la jeunesse et de l'avenir. En haut lieu, on est friand des ses éclairages. Elle conseille la primature, siège à la commission de surveillance de la CDG et truste dans le même temps, le conseil d'administration de l'Agence nationale de réglementation des Télécommunications. Politiquement, Mme Lahrichi est tout autant active. Cette femme de gauche (USFP) brigue et remporte une députation en 2007. Aujourd'hui, elle met toute son expérience dans la présidence de la SMAEX (Société Marocaine d'Assurance à l'Exportation). Alors que le royaume multiplie les Accords de libre-échange et se veut le trait d'union commercial entre le Machreq, l'Afrique subsaharienne et l'Union européenne, le rôle de Mme Lahrichi dans l'accompagnement et l'octroi d'assurances crédit aux entreprises exportatrices n'a jamais été aussi crucial. • Reflèxe Win-win : son rôle déterminant dans l'élaboration de la loi relative aux télécoms et dans le dossier de suivi de la deuxième licence GSM.