Hassan Najmi nous livre un poème autobiographique intitulé «Aimer me tue». Simplement passionnant… S'il y avait un recueil qui pouvait le plus ressembler à Hassan Najmi, ce serait bien celui qu'il vient de publier aux éditions «Marsam» : «Aimer me tue». Un long poème autobiographique où il nous démontre, malgré les vicissitudes de l'âge, et le désenchantement de cette belle époque de rien, qu'il est encore capable d'aimer, de se passionner et nous passionner. Aussi paradoxal que son titre puisse paraître, «Aimer me tue» triomphe à ce sentiment que l'on croyait perdu à tout jamais, celui d'aimer, le défi d'aimer encore et toujours. Le poète emprunte ici à la rhétorique une célèbre figure de style, soit l'oxymore, qui consiste ici à faire côtoyer deux antonymes : «l'amour», porteur de vie, et son opposé «la mort», d'où le titre «Aimer me tue». Mais faisons attention à prendre l'expression au pied de la lettre : Le poète veut nous dire, à travers ce jeu de mots, à quel point l'amour peut être fatal. «Rien que d'être proche de ta poitrine, mon cœur brûle», nous dit-il dans l'un de ses poèmes intitulé «Envahissement». Ailleurs, «Dans la Chambre obscure», on retrouve cette même inclination érotique : «Tu t'es étendue vibrant de désir/ Ta chaleur mystérieuse s'est glissée dans mes veines/ Laisse-moi te voir à travers mes doigts». Sur ce registre, il faut rendre à Najmi ce qui appartient à Najmi : notre poète est, sinon le seul, du moins l'un des rares poètes marocains à oser l'érotique. La présence du corps, dans sa poésie en général et dans «Aimer me tue» en particulier, est prédominante, ce qui a poussé l'un des critiques à lui concéder le titre de «poète de l'érotisme par excellence». «Par l'érotisme, il ne faut pas entendre seulement un corps nu. Je veux aussi et surtout me réapproprier mon corps, devenir moi-même tout simplement», nous explique le poète Najmi. Le spleen et son antidote Au-delà du mal d'aimer, il y a aussi ce mal de vivre inhérent à la nouvelle expérience poétique de Hassan Najmi. Rabat, sa ville d'adoption, est décrite comme un «désert». «A Rabat – un long désert s'étend à l'infini/ Sur la route – je ne sais plus quoi faire de mes pas/ Avec eux – je marche tout seul/ Un désenchantement ensoleillé me possède/ Je ne fais plus confiance qu'aux mots». Il enchaîne, dans le même esprit : «Cette ville almoravide a des sentiments mauresques/ Pendant la nuit, me parvient le cri de ses loups/ Je vois passer sa rivière et s'offrir à mes yeux la verdure de ses rivages/ Mais ne me parviennent que les gaz de ses décharges/ Pendant la nuit, ma poitrine s'enflamme/ Viens me procurer du souffle au moins/ Pour que j'achève mon poème», invoque-t-il. Cet état d'esprit rappelle curieusement un thème cher à Baudelaire, soit le «spleen», sauf qu'ici c'est de Rabat et non de Paris qu'il s'agit. Et ce n'est pas tout … On retrouve un autre thème tout aussi cher à Baudelaire, à savoir le «poète/Albatros». Najmi nous dit comment, au cœur d'une ville bruyante comme Rabat, on peut aussi éprouver un sentiment extrême de solitude. Seul remède à la vacuité du présent, le retour au passé. C'est dans le passé que le poète semble trouver refuge. Le poème «Nostalgie du fugitif» illustre, parfaitement, ce désir de fuite hors du présent. «A Rabat. Dans la maison. Dans la nuit, seul, j'essaie, moi le fugitif, de voir … Je ne peux pas empêcher l'odeur des grillades ni les vendeuses de pain de s'éloigner de ma langue», reconnaît le poète. Né en 1960 à Ben Ahmed, Najmi compte une dizaine de recueils dont «Les Vents ocres», «Petite vie» et «Les Baigneuses». M'Hamed Hamrouch