Plus qu'un match de foot, Algérie-Maroc déchaîne toutes les passions. La politique s'immisce dans le sport pour en faire : En sport comme en politique, le Marocain est à l'Algérien ce que le Tutsi et au Hutu : un… frère. L'incompréhension, voire l'animosité née de la Guerre des Sables en 1963, a affecté à jamais les relations entre les deux pays voisins. Un constat. Une vérité -vraie- comme disent les enfants. Que les politiques n'ont pas réussi à changer. Voire, ils l'ont aggravée. Au point que pas un jour ne passe sans que les deux protagonistes ne s'incendient par médias interposés. Les rencontres sportives offrent l'occasion d'un règlement de comptes. La défaite étant proscrite comme s'il y allait de l'honneur des uns et des autres. D'ailleurs, commentant le tirage au sort qui a mis les deux équipes nationales dans le même groupe, le quotidien algérien Al-Khabar a assimilé le match Maroc-Algérie à une «bataille» (sic). A quelques jours de la rencontre fatidique devant opposer le 27 mars les Lions de l'Atlas et les Fennecs, ledit quotidien est revenu à la charge, s'en prenant violemment aux responsables marocains à l'occasion de la visite à Annaba d'une délégation présidée par l'entraîneur-adjoint Dominique Cuperly en vue de préparer le séjour des Lions de l'Atlas. Pourtant, de nombreuses voix des deux côtés ont fait montre de bon sens, appelant les publics des deux pays au respect mutuel. Dans ce sens, on avait suggéré d'imprégner les tickets d'entrer au stade avec les photos de Chamakh et Boudebouz, les deux joueurs les plus en vue respectivement du Maroc et de l'Algérie. De même la Fédération royale marocaine de football (FRMF), par la voix de son directeur administratif, Youssef Lablaoui, a appelé la presse nationale à tempérer ses propos de façon à ne pas remonter le public. Pour sa part, le sélectionneur national Eric Gerets a déclaré que «le match ne doit pas sortir de son cadre sportif». Un match politique En dépit de toutes les bonnes volontés et des appels à tempérer les ardeurs, Algérie-Maroc n'est pas qu'un simple match de foot. «La politique a toujours été présente dans les confrontations maroco-algériennes. Je pense que le match du 27 mars ne fera pas exception», estime Moncef Lyazghi, chercheur en sport et auteur du livre Makhzénisation du sport au Maroc. Et d'ajouter : «Les appels au calme lancés de part et d'autre ne peuvent détourner l'attention sur les va-t'en guerre discrets des deux côtés». Le président de la Fédération algérienne de football (FAF), Mohamed Raouraoua, a promis aux joueurs des Fennecs 10 000 euros en cas de victoire. Ce qui représente, selon le journal algérien Echourouk, la plus grande prime jamais attribuée pour un match. Le même quotidien, dans un article récent, rappelle à l'occasion, la victoire «historique» des Fennecs face aux Lions de l'Atlas, au Complexe Mohammed V en 1979 lors des éliminatoires des Jeux olympiques de Moscou 80. Une gifle qui avait conduit le défunt roi Hassan II à limoger tout le staff technique et à exiger le changement de joueurs. L'équipe nationale, on s'en souvient, a rendu la monnaie à son homologue algérienne lors de la Coupe d'Afrique des nations en Tunisie 2004. Les protégés de Baddou Zaki ont éliminé leurs vis-à-vis en quart de finale. Une victoire qui a valu aux coéquipiers de Naybet un don royal offert par Mohammed VI : 1 million de dirhams pour chaque joueur. «Même si le Maroc n'avait pas atteint la finale de la CAN, les joueurs auraient été gracieusement rétribués après leur succès face aux Algériens», relève M. Lyazghi. L'Histoire pourrait donc se répéter. Mieux, certains observateurs estiment que l'Algérie étant affectée par le Printemps arabe, avec la colère du peuple contre le président Abdelaziz Bouteflika, une défaite face au Maroc risquerait d'attiser la colère des hommes de la rue. Baptême du feu de Gerets L'enjeu sportif est également de taille. Le Maroc occupe la première place du groupe ex-aequo avec la Centrafrique (4 points). L'Algérie ferme la marche avec un seul point au compteur. Une victoire des Lions de l'Atlas leur donnerait un avantage certain d'autant qu'ils recevront en match retour à domicile. En revanche, un insuccès de l'Algérie compromettrait sérieusement ses chances de qualification pour la CAN. Ce ne sera donc pas une simple promenade de santé pour les Lions de l'Atlas. Mais Gerets reste optimiste. «On jouera l'Algérie dans un match derby, qui promet d'être bouillonnant. On se prépare activement pour cette partie et ce en toute sérénité. On sera bien au rendez-vous et on ira là-bas avec l'intention de ramener la victoire. Notre mission ne sera pas si facile que cela, mais je reste néanmoins confiant. Notre sélection dispose de joueurs de qualité et surtout de l'expérience qu'il faut», a-t-il déclaré à la presse. Après avoir conduit la sélection nationale dans deux matchs amicaux (contre le Niger à Rabat, 3-0, et contre l'Irlande du Nord à Belfast, 1-1), le coach belge entamera son baptême du feu. Attendu comme le messie, Gerets dont le recrutement et le salaire ont suscité une grande polémique, est appelé à confirmer tout le bien qu'on dit de lui. A rappeler que le Maroc et l'Algérie ont disputé treize matchs officiels. Les Lions de l'Atlas en ont remporté six, perdu cinq et fait deux matchs nuls. Les deux pays ont disputé douze matchs amicaux qui s'étaient conclus par trois victoires pour le Maroc contre deux pour l'Algérie et sept matchs nuls. Abdelkader El-Aine