Mohamed Achaâri analyse la situation actuelle de l'USFP et décortique le champ politique. Sans détour ni ambages. Peut-on parler de crise au sein l'USFP ? A mon sens, la crise existe. Les composantes du parti sont en conflit permanent. De ce fait, l'on est incapable de proposer des solutions et un projet d'avenir par rapport à la situation actuelle de la scène politique nationale. De même le parti n'arrive pas à rallier la nouvelle génération de militants. Quelles sont, selon vous, la ou les causes d'une telle crise ? Notre situation actuelle ne peut pas être imputée à nos responsables ou les membres du parti. Une grande part de responsabilité revient à la précarité de la situation politique au Maroc et au manque de rigueur dans l'application de réformes à même de promouvoir la démocratie. Pareils obstacles ne peuvent qu'entraver la bonne marche des partis marocains, dont l'USFP. Nous vivons dans un flou total, ce qui rend difficile la mise en valeur des réalisations du parti et donc d'affirmer notre crédibilité aux yeux des citoyens. L'USFP est, lui aussi, responsable de sa situation, les dirigeants du parti doivent prendre du recul et analyser ce qui a été accompli depuis l'Alternance afin d'en tirer les enseignements qui s'imposent. Nous devons aussi nous tourner vers l'avenir en insufflant du sang neuf dans nos rangs. D'aucuns imputent la crise que traversent les formations politiques à la création du PAM. Qu'en pensez-vous ? Je ne partage pas cet avis. Pour moi, l'apparition d'un nouvel acteur dans la scène politique est la résultante de la situation actuelle. C'est la preuve que l'Etat considère qu'il doit toujours administrer la scène politique. Pour autant, l'Etat doit réguler le champ politique, agir en tant qu'accompagnateur, encadrant, et non en tant qu'intervenant direct. Personnellement, je ne diabolise pas le PAM. D'autant que les différents partis créés par l'Administration ne peuvent pas réussir à ébranler les fondements des partis nationaux surtout lorsque nous pouvons constituer une vraie force d'opposition et de proposition. Que faut-il faire pour redorer le blason de l'USFP ? Redorer le blason de l'USFP ne se fera pas à travers une simple restructuration du parti. Certes, nous avons besoin de donner un nouveau souffle à notre structure, mais la voie de la remise à niveau doit absolument passer par un message politique fort et fédérateur. L'USFP n'a pas besoin de se contenter de jouer le parti conciliant afin de glaner quelques sièges ou ce que voudront bien lui concéder les intervenants. Si nous voulons avancer, cela doit se faire à coup de propositions pertinentes, de projets politiques intéressants. Cela doit se faire à tous les niveaux et dans toutes les régions où nous sommes présents. Toute personne faisant partie de l'USFP doit être capable de devenir une force de proposition et d'apporter des idées nouvelles pour nous pousser vers la voie de l'amélioration. On estime que, pendant les dix ans de votre présence au gouvernement, il n'était pas question de réformes de quelque nature que ce soit… Les demandes de réformes politiques sont des demandes propres à l'USFP. Il s'agit de revendications qui ont été présentées dans les différentes assemblées du parti. J'ai même participé, durant mon mandat, à la rédéaction des rapports qui y sont liés. Ce n'est pas parce qu'on est ministre à un instant donné qu'on cesse de militer pour les idées de son parti. Que répondez-vous à ceux qui avancent que votre parti est miné par l'allégeance aux personnes ? L'USFP est un parti qui repose sur des allégeances aux projets politiques. Personnellement, je n'ai jamais accepté que mes actions soient dédiées à quelqu'un tout comme je ne me suis jamais permis de favoriser qui que ce soit en le plaçant à la tête de telle ou telle division ou institution. Nous bataillons tous pour tenir notre parti loin du tourbillon des obédiences et pour le mener vers l'union autour de projets politiques constructifs et de courants de pensées novateurs. Etes-vous optimiste quant à l'avenir de l'USFP ? Je suis optimiste de nature. Nos militants, au sein du Bureau politique et dans toutes les instances du parti, agissent et disent le fond de leurs pensées. C'est un signe de prise de conscience face à la situation critique dans laquelle se trouve notre parti. Le jour où je cesserais d'être optimiste serait quand je constaterais de l'immobilisme au sein du parti et son incapacité à assumer pleinement son rôle vis-à-vis des citoyens-électeurs. Ne pensez-vous pas qu'il est temps de donner leur chance aux jeunes du parti et de passer le relais ? C'est pour cette raison même que nous insistons au sein de l'USFP sur l'urgence de fixer une vraie méthodologie de travail lors de nos congrès. Il va de soi que si ce sont toujours les mêmes personnes qui se prononcent, aucune idée nouvelle ne pourra émerger. Nous devrions étendre la participation au sein du congrès du parti pour que nous puissions trouver plus ou moins 50% de nouveaux cadres, femmes et jeunes militants. Un grand nombre de cadres de l'USFP avaient gelé leur activité politique et peuvent faire partie de cette nouvelle mouvance qui est appelée à porter nos idées. Nous sommes aussi ouverts à tous les membres des autres partis de Gauche et pourquoi pas à une union de la Gauche. Pour moi, cette ouverture sur de nouveaux membres est le seul moyen de renouveler l'élite politique. Le temps où les responsabilités au sein du parti étaient réparties selon la tête du client, est révolu. L'USFP n'a-t-il pas perdu son identité de parti de Gauche en participant au gouvernement avec des partis de droite ? J'ai toujours milité pour que les des partis ne perdent leur âme. Avec El Youssoufi, nous avons formé un gouvernement plus ou moins homogène, mais cela a été fait parce que la situation s'y prêtait. Nous devions guider le pays sur la voie du changement. Aujourd'hui, nous sommes dans une nouvelle phase de transition, une phase où chaque parti doit s'affirmer par ses propres moyens. Nous sommes prêts à appliquer toutes les réformes nécessaires pour redorer le blason de la scène politique de façon à ce qu'elle soit démocratique, saine. Et ce, à commencer par revoir le Code électoral. Pour nous, les coalitions ne sont plus d'actualité. La nécessité et l'urgence résident dans le renforcement de notre parti et dans la création d'un front de Gauche fort et agissant comme une seule formation. Diriez-vous que la situation actuelle de la Gauche est à imputer à l'USFP ? La responsabilité de notre parti est claire, mais nous ne sommes pas les seuls à connaître des remous. Ceci dit, il faut cesser de se lamenter. Il importe d'analyser les choses avec recul et sang froid et surtout faire notre autocritique. Nous devons reconnaître nos erreurs, et cela sans crainte de heurter les susceptibilités. Nous considérons que l'USFP a le devoir de proposer un projet politique novateur et viable pour une union forte de la Gauche. A l'image des coalitions actuelles, imagineriez-vous, en 2012, un gouvernement composé du MP, du PAM, du RNI, de l'UC et l'USFP ? Ce serait de la politique-fiction, voire même de la fiction maladive. Ce serait se gausser la volonté nos militants. A mon sens, ce qu'il faudrait d'abord, c'est jeter les bases d'un écosystème fondé sur des élections libres et trasparentes. Propos recueillis par Hakima Ahajou & Mouad Maâdoum (Maghrib Al Youm) Editing : Yassine Ahrar