Parcours d'une journaliste douée devenue grande. Et qui sait imprégner sa marque. Ce n'est pas exactement l'itinéraire d'une enfant gâtée, juste celui d'une femme heureuse d'avoir trouvé sa voie. Petite, nichée dans l'édredon d'une vie confortable, elle se prépare à céder aux sirènes de la réussite du protocole familial. Elle fera partie de l'élite, lui dit-on. Elle fera de longues études et, comme toute fille de son rang, entreprendra une carrière libérale. La trajectoire ayant été tracée à l'avance, s'installe comme une adhésion tacite au déterminisme familial. Vient le bac au lycée Regnault, puis une première année de fac et une deuxième. De la géologie et de la biologie. C'est en bachotant ces matières que Badriaa Aherdane rongera son frein, mâchouillera ses stylos à bille en rêvassant à un destin, quelque chose hors du commun. La gestation ne durera pas longtemps. Au beau milieu de sa deuxième année d'études des «roches» et de l'anatomie, elle cède à une impulsion : partir à Tanger. La ville du Détroit particulièrement propice aux pérégrinations critiques, éveille en elle un besoin : l'expression, la prise de parole, la transmission. Au hasard d'une soirée, elle fait une de ces rencontres qui bouleversent un parcours. Halima Zniber, animatrice à Médi1. «Vous avez une belle voix, lui dit-elle, il y a une place à prendre. Faisons un essai.» Initiation Le lendemain, Badriaa prend place, pour la première fois, dans un studio. Passées les premières hésitations, le trac cède la place à un naturel fulgurant. Pierre Casalta, un des principaux fondateurs de la radio, est là. Ce qu'il entend lui plaît. C'est le début d'une épopée. Badriaa se pliera aux servitudes du néophyte. Matinales, reportages sur le terrain et documentation feront partie de son quotidien. Jusqu'au jour où Casalta, toujours en avance sur son époque, prononce cette phrase : «Je veux faire une émission pour les femmes». Initiative transformatrice appelée à bouleverser la radio au Maroc. Il faudra inventer un genre. Badria s'y colle. Battante, elle sillonnera le royaume, Agra en bandoulière, pour traquer puis capter la féminitude marocaine. A l'époque, point de logiciels de montage, d'email ou de MMS, le métier est foncièrement manuel. «Alors, on monte, on coupe, on recolle, on décortique les bandes magnétiques, on débouche des combinés et on envoie». Qu'à cela ne tienne, Badria est une dure au mal. L'entrain qu'elle affiche à la réalisation de son travail la démarque. On décide de la former. Ce sera Europe 2 à Paris. Là encore, sa distinction lui vaut une proposition d'embauche. Journaliste protéiforme Fin de non-recevoir. La journaliste n'a d'yeux que pour son pays. «J'ai besoin de mon Aïd, de mon ramadan, de la rue, de ma terre.» Le temps passe, les sujets s'emperlent, les instincts s'aiguisent, puis vient, l'émission-phare : Pour vous Madame. Une consécration qui durera neuf ans au bout desquels 2M lui fait une offre. Cette fois-ci elle plonge. «Je voulais pousser mes limites.» Le nouveau job sera formateur, émaillé de rencontres dont celle de Samira Sitail : «droite dans ses bottes, une femme qui inspire le respect» et de Taoufik Dabab «le papa-poule de la rédaction, un homme foncièrement bon». En 2001, elle quitte la chaîne de Aïn Sebaâ. On la retrouve à Radio Aswat dans l'émission Fréquence bien-être. Elle renoue avec ses vieux démons féminins avant qu'une veine entrepreneuriale ne la happe. Conséquence : un magazine et une quasi-radio voient le jour sous sa férule. L'année dernière, entre deux projets, elle croise le chemin d'un homme, Abderrahmane Adaoui. Premiers regards, premières complicités. Il monte une radio, a besoin d'elle dans son équipe. Sa réponse est oui. Aujourd'hui, Badriaa Aherdane est productrice à Radio Plus. Heureuse et consciencieuse, elle donne des coups de fusains supplémentaires à sa «légende personnelle» avec, pour principe de vie, un triptyque : «travailler, travailler, travailler». Réda Dalil