"Un vrai géant de la politique étrangère américaine": les hommages se sont multipliés aux Etats-Unis et dans le monde mardi après l'annonce de la mort de Richard Holbrooke. Représentant spécial de Barack Obama en Afghanistan et au Pakistan, ce diplomate américain avait été l'artisan des accords de Dayton, qui avaient mis fin à la guerre en Bosnie. Richard Holbrooke s'est éteint lundi à l'âge de 69 ans. Depuis le week-end, il se trouvait dans un état critique à Washington, après une intervention chirurgicale samedi pour une déchirure de l'aorte. Le président américain Barack Obama a rendu hommage à "un véritable géant de la politique étrangère américaine" et à "une figure véritablement unique dont on se souviendra pour sa diplomatie infatigable, l'amour de son pays et la recherche de la paix". "Richard Holbrooke a servi le pays qu'il aimait pendant près d'un demi-siècle, représentant les Etats-Unis sur les théâtres de conflits et dans les négociations de paix de haut niveau, à chaque fois avec une intelligence distinctive et une détermination inégalée", a pour sa part réagi la secrétaire d'Etat Hillary Rodham Clinton. Surnommé le "Bulldozer" ou "Raging Bull" en raison de son style énergique, Richard Holbrooke avait entamé sa carrière diplomatique en 1962 au Vietnam. Il avait depuis servi sous toutes les administrations démocrates depuis celle de John F. Kennedy. Il était connu notamment pour son rôle dans les Balkans, avec les accords de Dayton en 1995, sur lesquels il était revenu dans ses mémoires "To End a War", parues en 1998. "Si Richard vient vous voir, vous demande quelque chose, répondez oui simplement", avait dit un jour l'ancien secrétaire d'Etat Henry Kissinger évoquant la tenacité du diplomate. "Si vous répondez non, vous finirez pas dire oui mais le processus sera plus douloureux". Démocrate dans l'âme Né à New York le 24 avril 1941, Holbrooke avait notamment participé à la rédaction des "Pentagon Papers", une étude interne du gouvernement américain sur l'engagement au Vietnam parue en 1967. Après des excursions en dehors de la politique, notamment un poste dans le magazine "Newsweek", il avait servi en tant que secrétaire d'Etat adjoint chargé de l'Asie de 1977 à 1981, avant de retourner dans le privé, et la finance, au sein de la banque Lehman Brothers. Démocrate dans l'âme, Holbrooke avait repris le service diplomatique à l'entrée de Bill Clinton à la Maison Blanche en 1993, d'abord en tant qu'ambassadeur en Allemagne jusqu'en 1994, ensuite comme secrétaire d'Etat adjoint pour l'Europe. Il sera à cette époque le grand artisan des accords de Dayton signant la fin de la guerre de Bosnie en 1995. Une mission qui lui vaudra d'être au coeur d'une polémique lorsque l'ancien chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic déclarera en 2009 au Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) que Holbrooke lui avait promis l'immunité en échange de son retrait de la scène publique. Des accusations démenties par l'intéressé. L'un des avocats de Radovan Karadzic a fait part mardi de la "tristesse et des regrets" exprimés par l'ancien chef des Serbes de Bosnie après l'annonce de la mort du diplomate. Devant les juges du tribunal de La Haye, devant lequel Radovan Karadzic est jugé pour génocide, Peter Robinson a ajouté qu'il avait espéré appeler Richard Holbrooke comme témoin. En 1998, Richard Holbrooke avait négocié un accord avec le président yougoslave Slobodan Milosevic en vue du retrait des forces yougoslaves du Kosovo. A la rupture de l'accord, il s'était rendu à Belgrade pour adresser l'ultimatum final à Milosevic, sans parvenir à obtenir le départ des forces yougoslaves du Kosovo. Les bombes de l'OTAN avaient commencé à pleuvoir sur Belgrade quelques jours plus tard. "Une énorme perte pour le peuple américain" Richard Holbrooke expliquait que négocier avec des "personnes qui font des choses amorales" ne lui causait pas d'états d'âme. "Si vous pouvez empêcher la mort des personnes qui sont encore en vie, vous n'allez pas desservir ceux qui ont déjà été tués en le faisant". En 1999, Richard Holbrooke était devenu ambassadeur américain aux Nations unies, où il avait notamment travaillé sur les conflits africains et la lutte contre le Sida sur le continent. Il affrontera également la colère de l'ONU face aux arriérés de paiement de Washington à l'organisation internationale: il convaincra 188 Etats de la nécessité de réformer le mode de financement de l'ONU et de réduire la cotisation américaine. Proche de longue date du couple Clinton, il avait été l'un des principaux soutiens de la candidature de Hillary à l'investiture démocrate en 2008. Après le retrait de celle-ci, il s'était rapproché de Barack Obama, qui l'avait nommé représentant spécial en Afghanistan et au Pakistan. En mars 2008, Richard Holbrooke écrivait dans le Washington Post : "Le conflit en Afghanistan sera beaucoup plus coûteux et beaucoup, beaucoup plus long que ne le réalisent les Américains" et prédisait qu'il deviendrait "le plus long de l'histoire américaine, dépassant même le Vietnam". Ses relations avec le président afghan Hamid Karzaï s'étaient tendues après une rencontre houleuse en 2009 sur la présidentielle afghane entachée de fraudes. Hamid Karzaï a déploré après la mort du diplomate une "énorme perte pour le peuple américain". Son homologue pakistanai Asif Ali Zardari a jugé que le "meilleur hommage à lui rendre est de réitérer notre détermination déraciner l'extrémisme et ouvrir la voie à la paix". (AP)