Ils ne se sont jamais croisés auparavant jusqu'au jour où le destin à scellé pour toujours leur union. Par la grâce de la vie et aussi grâce à la mort, ils sont désormais à jamais unis. Les uns ont donné la vie et les autres ont failli la perdre. Eux, ce sont les heureux greffés de ce septembre à Casablanca qui ont reçu un véritable don du ciel, les reins de deux personnes happées par la faucheuse et qui plus est, sont étrangères à leur lignée généalogique. Une formidable prouesse médicale au Maroc réalisée dans un laps de temps, durant la première semaine de ce mois-ci. Et une première nationale puisque les quatre patients, longtemps otages résignés de cette maladie silencieuse et si lourde qui est l'insuffisance rénale, ont subi une greffe rénale à partir d'un donneur en état de mort encéphalique. En seulement une semaine, des équipes issues de plusieurs services du CHU de Casablanca et de l'Institut Pasteur, ont réalisé un remarquable exploit, adoucissant la vie des heureuses personnes opérées et redonnant espoir à des milliers d'insuffisants rénaux au pays qui souffrent le martyr à cause des séances interminables et non moins douloureuses de dialyse. Les deux premiers bénéficiaires de cette prouesse médicale réalisée les 1er et 2 septembre ont reçu chacun le rein d'un jeune donneur décédé dans un accident à la fleur de l'âge, tout juste 30 ans, comme l'indique non sans émoi le Pr Benyounès Ramdani, Chef du service de Néphrologie et d'Hémodialyse au CHU Ibn Rochd. Et de souligner dans un entretien à la MAP que les opérations ont été réalisées après le consentement de sa famille et aussi des analyses très pointues sur la parfaite santé des reins avant de faire remarquer qu'un seul rein suffit pour permettre à l'heureuse personne greffée de vivre normalement. Quant aux deux dernières opérations effectuées avec succès le 7 septembre, elles ont été réalisées grâce au prélèvement des reins sur un homme décédé lui aussi dans un accident, a-t-il indiqué avant de saluer la noblesse de ce geste pour la vie, remerciant les familles des donneurs et souhaitant que ce genre d'opérations qui ouvre de prometteuses espérances aux insuffisants rénaux et leurs familles, fasse tâche d'huile. Sur le profil et le choix des bénéficiaires de la greffe, notre interlocuteur indique que les patients (deux de Casablanca et deux autres de Safi et Agadir), suivaient des séances de dialyse depuis 3 à 18 ans. Il a cité le cas du jeune homme de 26 ans qui souffrait de l'insuffisance rénale depuis qu'il avait 8 ans. Et d'annoncer que deux patients parmi eux quitteront dès ce mardi l'hôpital alors que les deux autres rejoindront leurs familles dans les prochains jours. Quant à leur choix, ils ont été sélectionnés selon des critères purement médicaux sans aucun favoritisme aucun, a-t-il assuré, souhaitant que les autres malades en attente puissent bientôt bénéficié à leur tour de cette opération qui pourrait, selon lui, être réalisée une fois par semaine si les conditions sont réunies. Ces opérations, les premières au Maroc où seules les greffes rénales à partir de donneurs vivants étaient réalisées jusqu'à présent, ont été menées grâce à l'appui du Ministère de la Santé et le soutien de l'Agence Française de Biomédecine et aussi la collaboration des différentes équipes médicales, paramédicales et administratives. Et aussi grâce au professionnalisme de l'équipe de coordination du don et greffe d'organe du CHU. Leur réalisation a nécessité cinq années de préparation pendant lesquelles les équipes du centre se sont exercées, forts de leur expérience en matière de greffe rénale à partir du donneur vivant et aussi de leur initiation aux techniques et procédures du prélèvement et greffe d'organe à partir du donneur en mort encéphalique. Un exploit et une technique désormais prouvée qui redonne du baume au cÂœur des malades, au grand bonheur de leurs familles qui vivent un intolérable déchirement et des souffrances insoutenables. Et ils sont nombreux les nouveaux cas d'insuffisance rénale chronique au Maroc qui se chiffrent à plus de 9000 au pays dont environ 1300 à Casablanca. La demande est donc énorme pour les hôpitaux.. Néanmoins, la réalisation aujourd'hui de cette opération si délicate qui était auparavant presque de l'ordre des chimères permet aujourd'hui d'espérer qu'elle devienne fréquente et aussi possible dans les autres Centres Hospitaliers Universitaires dans le pays. En attendant, c'est déjà là une victoire sur la maladie puisque la greffe rénale équivaut à "une véritable" guérison. Elle libère le malade des contraintes de dialyse et lui assure une bonne réhabilitation sociale et professionnelle. Seule fausse note : le suivi à vie d'un traitement médical contre le rejet. Un traitement qui doit être nécessairement accompagné d'un contrôle conséquent Un suivi qui n'est pas, selon le Professeur Ramdani, aussi astreignant que ça puisque le contrôle médical, hormis les premiers mois où il est très fréquent jusqu'à une fois tous les 15 jours, devient à partir de la deuxième année plus espacé dans le temps et ce, à raison seulement une fois par an. Tout en saluant la collaboration agissante du ministère de la justice qui accorde les autorisations de prélèvement des organes sur les cadavres dans des délais très raisonnables, il a plaidé pour une "nouvelle culture de la mort'' dans la société marocaine. Une manière d'encourager le don d'organes et son prélèvement sur les personnes mortes. Un don qui peut sauver des vies humaines et qui devrait aussi concerner d'autres malades et d'autres organes comme le cÂœur, la cornée ou encore le foie. D'autant que la loi régissant ce registre existe depuis 1999. Cet exploit de nos talentueux chirurgiens n'est pas le premier et ne sera certainement pas le dernier dans les annales de la médecine marocaine puisque, cette fois-ci, une équipe Médicale dirigée par le Professeur Saïd Benchekroun a réussi en juin dernier une véritable prouesse médicale, la 1ère Allogreffe de Moelle Osseuse sur une enfant. Savoir-faire et esprit d'équipe L'opération a été réalisée dans le Service d'Hématologie et d'Oncologie Pédiatrique du CHU Ibn Rochd à Casablanca au profit d'un nourrisson de 20 mois, Ayoub, atteint d'un Déficit Immunitaire Primitif (DIP). Une maladie qui touche chaque année 20 nourrissons. Autres exploits et non des moindres, la mise au point fin 2004 du premier coeur artificiel 100 pc marocain. Un véritable exploit qui fait du Maroc l'égal des quelques pays -une dizaine dans le monde- qui se sont lancés dans la course pour la conception et le perfectionnement de cette technique pointue. L'auteur de cette prouesse n'est autre que l'éminent cardiologue, Professeur Wajih Maazouzi, ancien Directeur du CHU Ibnou Sina à Rabat, connu pour avoir réalisé, en 1995 déjà, une première au Maroc en transplantant un coeur humain. Une prouesse qui redonne du baume au cÂœur fatigué des malades souffrant d'insuffisance cardiaque qui peuvent désormais espérer un jour bénéficier d'une transplantation grâce à ce cÂœur artificiel en attendant une éventuelle greffe. Et aussi, la même année, exactement le 16 août 2004, la prouesse réalisée par le Professeur Chakib Aït Benhamou, un chirurgien au service d'otorhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale à l'hôpital 20 août à Casablanca, qui a permis à un patient souffrant d'une grave complication, survenue suite à une opération du cancer du larynx, de retrouver l'usage et le goût de l'alimentation par voie normale alors qu'il ne pouvait plus s'alimenter sans que la nourriture ne s'échappe par sa gorge. Depuis le bénéficiaire de cette opération, une première mondiale, a repris une activité normale et mène une vie ordinaire parmi les siens à Beni Mellal. Toutes ses opérations et tant d'autres, sont autant de lauriers sur le front de nos médecins qui ont su avec grand art et non sans modestie prouver au monde qu'ils sont capables de réussir des interventions très délicates comme leurs confrères dans le monde, sinon mieux encore. Mais la véritable prouesse dans tous ses exploits chirurgicaux n'est pas seulement que technique mais elle est surtout humaine, une belle démonstration de l'esprit d'équipe et du savoir-faire marocain. Un bel hymne à la vie. Rachid Sami (MAP)