Après 2 ans d'emprisonnement, la plus jeune activiste politique du Maroc sort de prison. Récit d'une libération. Benguerir, samedi 15 mai. Une cinquantaine de personnes attendent depuis quelques heures déjà la sortie de prison de la jeune étudiante Zahra Boudkour. 8h45, la voilà qui se profile derrière les barreaux de fer de la prison civile de la capitale de Rhamna. Un dernier regard derrière elle et Zahra, 22 ans, retrouve les siens, ses sœurs, ses camarades, et les militants des droits de l'homme qui l'ont soutenue lors de son séjour en prison. Khadija Ryadi, présidente de l'Association marocaine des droits de l'homme n'a pas retenu ses larmes devant la force et le courage de la jeune militante tout juste sortie d'un calvaire qui a duré deux ans : arrestation, torture dans le tristement célèbre commissariat de Jamaâ L-fna , emprisonnement, privations de toutes sortes... Ni la mort, ni la prison... «La jeune rouge quitte, la tête haute, la prison» laisse entendre un vieux militant de la gauche radicale marocaine. C'est le moment des discours, «La prison n'a rien pu changer à mes idées et ma détermination à lutter pour un Maroc meilleur». Et d'ajouter : «je suis prête à retourner en prison pour mes convictions». On la croyait affaiblie par les multiples maladies qu'elle a contractées, découragée, mais visiblement, rien n'a eu raison de Zahra. Son courage a ému les militants et personnalités venus l'accueillir à Benguerir, dont Ali Lmrabet, le journaliste interdit d'exercer au Maroc qui a tenu à être là, accompagné de l'humoriste Ahmed Snoussi «Bziz» et par Abdelhamid Amine, l'ex-président de l'AMDH. «La vague de répression touche tous ceux qui osent militer au Maroc, et la torture dans les commissariats est redevenue monnaie courante, déclare Khadiga Ryadi, et malgré tout, la résistance et le courage ne manquent pas chez ces militants que nous n'hésiterons pas un seul instant à défendre». Après les retrouvailles, les militants présents, comme à leur habitude, improvisent un sit-in et, sous les yeux des représentants des autorités de la ville, les slogans sont criés haut et fort. «Ni la mort ni leurs prisons ne nous font peur… Nous lutterons jusqu'au bout avec notre peuple». Une heure et demie plus tard, la caravane se dirige vers la ville de Zagora où l'on prépare un accueil encore plus grand à la jeune étudiante. Drapeaux rouges communistes brandis dans la ville, ses camarades de l'université, sa famille et les habitants de la ville reçoivent Zahra en véritable héroïne. L'heure est à la fête. «Ça me rappelle l'accueil qu'on préparait aux militants sortis de prison pendant les années de plomb. C'est exactement le même sentiment» commente un militant marxiste léniniste qui a passé une dizaine d'années dans les prisons de l'ancien règne. Cette journée du 15 mai a été hautement symbolique pour les militants des droits de l'homme et ceux de la gauche marocaine. En ce même jour de libération de Zahra «la rouge», à Beni Mellal, on célébrait le quarantième jour de la mort de Mohammed Bougrine, un autre symbole de la résistance et de la lutte sociale. «La lutte est comme un cercle, elle commence à un point mais ne finit jamais!». Omar Radi