Durant les 4 jours de l'Aéroexpo 2010, à Marrakech, le Maroc a défendu son offre. Avec un objectif précis : pérenniser sa filière aéronautique. «En très forte croissance de par le monde, le secteur aéronautique doit faire face à une refonte complète de sa carte industrielle avant l'arrivée de concurrents dits ‘low cost'. Il doit également s'attendre à une forte pression sur les prix et à des changements technologiques majeurs», a affirmé Ahmed Chami, ministre du Commerce et de l'industrie, intervenant le 27 janvier lors de la 2ème édition de l'Aéroexpo à Marrakech. En clair, le Maroc veut dépasser le statut d'«une simple destination de production low cost», pour devenir «un centre d'excellence à haute valeur ajoutée». Bref, que l'activité devienne réellement «productive». «Le fait qu'Aircelle Maroc, filiale du groupe Safran ait livré depuis 3 mois à Rolls-Royce un inverseur de poussée pour nacelle illustre parfaitement l'ambition assignée au secteur», explique un industriel. D'autant que la concurrence s'exacerbe. Le voisin tunisien, comme les pays d'Asie et d'Europe de l'Est, mettent les bouchées doubles pour attirer les investisseurs. Des pays comme la Chine et la Russie se taillent aussi une part importante dans ce business. Et pour cause. En contrepartie des investissements accueillis, ils passent de grosses commandes d'avions aux constructeurs dont les filiales sont implantées dans leurs pays. Avec le même nombre d'entreprises opérant dans le secteur, la Pologne génère 10 fois plus d'activité que le Maroc. Quant aux Tunisiens, ils sont dans une configuration identique à la nôtre. Les investisseurs se heurtent ainsi aux mêmes contraintes : pénurie de main-d'œuvre qualifiée, absence d'un cadre normatif et réglementaire, cherté du crédit à l'investissement et ce, malgré la mise en place de dispositif incitatif (voir encadré). La question s'impose d'elle-même : le Maroc est-il en mesure de maintenir ses acquis et d'augmenter la valeur des investissements dans ce secteur ? Un secteur stratégique Le plan Emergence avait inscrit l'aéronautique comme un «métier mondial pour le Maroc». A l'horizon 2015, il est censé créer plus 17.000 emplois, dont 15.000 directs. Cette année, ce ne sont pas moins de 11.000 personnes qui seront employés par le secteur. En 2009, ce chiffre a progressé de 4% pour atteindre 7500 emplois qualifiés. Un secteur stratégique dominé par la sous-traitance, qui a réalisé en 2009 un chiffre d'affaires à l'export de 750 millions d'euros, soit plus de 8 milliards de DH. Sa contribution dans la balance commerciale, entre 2005 et 2008 est passée de quelque 2% à plus de 5% en termes d'exportations des marchandises. Les investissements cumulés se sont élevés à 350 millions d'euros. Un bilan flatteur ? Certes. Mais l'aéronautique reste essentiellement tributaire de la santé du transport aérien. À elles seules, les compagnies représentent plus de la moitié du chiffre d'affaires des sous-traitants. C'est notamment pour des prestations de maintenance des appareils que les opérateurs sont sollicités. Royal Air Maroc arrive en tête des donneurs d'ordre. Viennent ensuite les commandes des avionneurs et motoristes et celles émanant de concepteurs et de fabricants de sous-système. Dans son ensemble, le taux de croissance annuelle du secteur avoisine les 20%. «Le potentiel de développement du secteur se chiffre à près de 4 milliards de DH de PIB additionnels», affirme à ce sujet Ahmed Chami. Un secteur qui compte actuellement près de 90 entreprises. Elles sont majoritairement filiales de groupes français, fournisseurs de donneurs d'ordre basés en Europe et aux Etats-Unis. Leurs clients sont Airbus, Boeing, Dassault et Eurocopter. De nouvelles zones d'implantation Pour accompagner ce mouvement d'implantations des infrastructures ont vu le jour. C'est ainsi qu'une zone industrielle de 200 hectares s'est développée dans le voisinage de l'aéroport Mohammed V à Casablanca. Dotée d'une position stratégique en termes de fret et de logistique, cette plate-forme accueille notamment les opérateurs sous-traitants dans l'électricité, la technologie des matériaux composites ou encore l'outillage aéronautique. Aircelle Maroc qui, dès 2006, y a élu domicile. L'entreprise s'active dans la conception, le support en service et en production pour le compte du groupe Safran. L'une des premières à avoir investi les lieux est Matis Aerospace. Détenue à parts égales entre le transporteur aérien, la RAM, le constructeur Boeing et le fabricant Labinal, l'entreprise est spécialisée dans la fabrication de câbles de signalisation lumineux et auditifs et des câbles de moteurs. À la technopole de Nouaceur se trouve également Creuzet-Indraero, fabricant de composants mécaniques pour hélicoptères et moteurs d'avions. Cette capacité d'accueil a favorisé également l'installation d'importants donneurs d'ordre, pour ne citer que Safran, EADS, ou encore Daher, Souriau et le Piston Français. Même si l'essentiel de l'activité aéronautique se concentre sur la région de Casablanca (90% du chiffre d'affaires du secteur et 67% des emplois), d'autres structures d'accueil se développent. C'est ainsi qu'à Mohammedia, Nexans Maroc a annoncé un investissement de 110 millions de DH dans un projet qui démarrera début 2011. La zone franche de Tanger, n'est pas en reste, elle connaît l'arrivée de nouvelles entreprises comme Atlas Productions et une extension de l'usine de DL Aérotechnologies. Et si tout va bien, d'autres devraient suivre… Imane Azmi Le soutien public Dans le dispositif incitatif mis en place par le Maroc pour attirer les investissement dans le secteur, les exonérations fiscales représentent la clé de voûte du package. Les entreprises exportatrices bénéficient ainsi d'une exonération totale de l'IS sur 5 ans et d'un abattement de 50% durant les 5 années suivantes. De même, les opérateurs se voient déchargés d'une partie du paiement de la partie patronale dans les charges sociales, à concurrence de 20% de la masse salariale. Le Fonds Hassan II, également mis à contribution, verse des subventions pour l'acquisition du foncier et la construction des unités de production. De plus, les projets dont le montant d'investissement est supérieur à 1,8 milliard de DH, faisant l'objet d'une convention avec l'Etat, profitent d'une réduction sur les coûts d'achat des terrains, sur les charges liées aux infrastructures et à l'équipement. De même, l'Etat s'engage au remboursement des coûts de formation des effectifs, à un plafond de 60.000 DH. Il accompagne également les opérateurs dans leurs demandes de financement de l'investissement ou de crédits pour alimenter leur fonds de roulement, en accordant une garantie à hauteur de 65% du montant du prêt. L'aide publique concerne aussi le financement à 80% d'actions marketing des entreprises exportatrices. Ainsi, des subventions sont réservées au paiement des assurances à l'export.