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La vogue du capital risque
Publié dans Le temps le 09 - 02 - 2010


Réservé à ses débuts à quelques initiés,
le capital investissement fait de plus
en plus d'adeptes dans la communauté des affaires. Voyage au cœur d'une industrie pas comme les autres.
Mardi 12 janvier, Casablanca. Dans l'hôtel Golden Tulip Farah se tenait la première grand-messe des capital-investisseurs marocains. Ambiance petits fours et cols blancs à volonté, l'évènement pensé et organisé par un homme de com (Mohamed El Ouahdoudi, patron de l'agence MCC) a été l'occasion de faire le point sur une activité qui devient de plus en plus en vogue dans le monde des affaires. En effet, il ne se passe un jour sans que ne soit annoncée la création ou du lancement d'un nouveau fonds d'investissement. Et cela dans divers secteurs : tourisme, NTI, infrastructures, agroalimentaire… Les capital-investisseurs ratissent de plus en plus large, avec des «tickets» de plus en plus imposants. Et le domaine n'est plus aujourd'hui la chasse gardée des jeunes loups de la finance. Des grands noms du monde du business, tels les Bassim Jaï Hokimi (ancien président de l'ONA), Adil Douiri (ex-ministre du Tourisme), Anas Sefrioui (patron du groupe Addoha), Alami Lazrak (PDG d'Alliances) ou encore Aziz Qadiri (ancien PDG du groupe CMCP) sont entrés dans la danse, via le lancement de fonds ou de société d'investissement en capital, qui n'ont rien à envier aux filiales de grandes banques de la place.
10 ans, deux générations
«Après une dizaine d'année de tâtonnement et d'apprentissage, l'industrie du capital investissement a pris son envol. Et ce n'est qu'un début…», commente ce professionnel. Il faut dire que la naissance des premiers fonds au Maroc ne remonte qu'au début des années 2000, avec le lancement de ce qu'on appelle des «fonds de première génération». Elles étaient au nombre de 5, d'une taille cumulée avoisinant le milliard de DH. Mais à partir de 2005, une nouvelle vague de véhicules a vu le jour (cette fois-ci de capital-transmission), portant les montants sous gestion à près de 6 milliards de DH à fin 2008, derniers chiffres communiqués par l'Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC). Aujourd'hui, le secteur compte six opérateurs actifs (sociétés de gestion) qui gèrent près d'une vingtaine de fonds de capital investissement. Ceci sans compter les dizaines de sociétés d'investissement et autres fonds indépendants qui restent en dehors des statistiques de l'association des capital-risqueurs.
Et pour paraphraser notre intelocuteur, ce n'est qu'un début. Avec ses 6 milliards de dirhams sous gestion, l'industrie du capital investissement représente moins de 1% du PIB marocain. Autant dire que le potentiel du secteur reste énorme : dans les pays émergents, il pèse en moyenne plus de 3% du PIB, et de 2 à 2,5% dans les pays développés. «L'économie marocaine étant en plein développement, la marge de progression est encore très importante. L'objectif à atteindre est de 1,5% du PIB en 2015, soit 10 à 15 milliards de dirhams de fonds sous gestion», annonce Hassan Laâziri, DG de CDG Capital Private Equity.
Des sorties royales
Un objectif très réaliste, vu l'engouement que connaît actuellement le secteur. Le capital investissement, art de la finance qui consiste à prendre une participation dans une société dans l'objectif de la revendre, peut en effet se révéler un extraordinaire outil de création de valeur et de richesses pour l'ensemble des intervenants de la chaîne. Et c'est là que réside son intérêt. «L'objectif n'est pas uniquement de gagner de l'argent, mais également de restructurer, réorganiser et accompagner les entreprises cibles dans leur développement», affirme ce professionnel.
Petits exemples des opérations les plus spectaculaires. En septembre 2006, le fonds Capital Morocco a cédé une partie de sa participation dans Distrisoft, acquise en 2003. L'opération orchestrée par la voie de la Bourse de Casablanca (la voie royale, dans la jargon des capital-risqueurs) a généré une plus-value de quelque
8 millions de dirhams, soit plus de 50%
de la mise initiale ! Au-delà de ce pactole, le fonds géré par Capital Invest (filiale
de BMCE Bank) a surtout participé
à l'éclosion d'un fleuron de la distribution de matériel informatique. Une entreprise qui prend une nouvelle envergure à travers sa fusion avec Matel PC Market… qui a tout autant bénéficié des bons soins d'un capital risqueur.
HPS, la start-up fondée par Mohamed Horani, actuel président de la CGEM, est également passée par le même circuit. Les fonds ainsi drainés en ont fait l'un des leaders mondiaux dans le secteur de la monétique et des moyens de paiements.
Au total, et depuis la naissance de l'industrie du capital investissement au Maroc, ce sont pas moins de 100 entreprises qui ont profité de ce nouvel instrument de financement pour assurer leur croissance et leur développement. Des entreprises qui opèrent pour 45% dans l'industrie, 25% dans la distribution, 20% dans les services et 10% dans les nouvelles technologies… Le tout pour un ticket moyen d'investissement de près de 30 MDH par entreprise. Les banquiers n'ont qu'à bien se tenir !
Mehdi Michbal
Le capital investissement pour les nuls
Contrairement à ce qui est véhiculé, le capital-investissement ne se limite pas au capital-risque.
Ce dernier n'est qu'un segment parmi d'autres consistant en l'apport du capital, des réseaux et expériences à la création et aux premiers stades de développement d'entreprises innovantes à fort potentiel. Le terme «risque» traduit d'ailleurs mal l'aspect d'aventure entrepreneuriale. La combinaison anglaise «Venture Capital» illustre mieux ce trait du métier d'investisseur en capital, fondamentalement différent du métier de bailleur de fonds. Le capital-investissement englobe en réalité cinq types d'intervention, intervenant chacun à un moment précis de la vie de l'entreprise. Il y a d'abord le capital-amorçage qui consiste à financer des entreprises en phase de démarrage. Les cibles sont des sociétés innovantes qui n'ont pas encore démarré leur activité et n'ont pas encore fait appel à un financement extérieur. «Généralement, il s'agit de petits montages dont les montants ne dépassent pas le million de dirham», précise ce professionnel du capital investissement.
Il y a ensuite le capital-risque, métier dont l'objectif est d'investir dans des entreprises récemment créées, avec des produits ou services déjà en place, pour accélérer leur croissance et leur assurer un bon démarrage. Dans cette branche, les montants à investir varient entre 4 et 10 MDH, selon les estimations des professionnels.
Troisième métier : le capital-développement. Cette branche vise à accompagner des entreprises de taille moyenne (chiffre d'affaires dépassant les 40 MDH) dans leurs projets de développement et ce, afin d'atteindre leur phase de maturité.
Il y a aussi le capital-transmission dont le but est d'investir à l'occasion de rachats de sociétés en utilisant des techniques financières à effet de levier bancaire dont la plus connue est celle du Leverage Buy-Out (LBO). Enfin, le capital-retournement se focalise, lui, sur des entreprises en difficulté qui doivent être redressées.
On peut également classer les fonds en fonction de la nature des secteurs dans lesquels ils interviennent. Il y a les fonds dits généralistes, plus répandus, et ceux spécialisés (Agram dans l'agroalimentaire ou Oléa dans l'oléiculture par exemple). Il y a aussi les fonds à durée limitée (horizon d'investissement de 4 à 6 ans par exemple) et ceux à durée illimitée qui sont plutôt des sociétés d'investissement (Mutandis par exemple).


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