En mutation depuis une décennie, la ville du détroit a su garder intact son charme . Visite guidée. Nous avons tous ce côté un peu indécis : nous sommes séduits par la modernité et la nouveauté, sans être cependant insensibles au charme de la tradition, de l'authenticité. À Tanger, lorsque vous êtes à la table d'un restaurant, dans une chambre d'hôtel ou tout simplement dans la rue, tout s'entrecroise. À commencer par ce paysage de minarets et de clochers d'églises qui pointent leurs hauteurs au centre-ville, dans la médina ou dans les hauteurs du Cap Spartel. Et puis il y a un ou deux restaurants, notamment Les passagers de Tanger, ouvert par un couple français sur la terrasse d'un vieil immeuble au bord de la place du Grand Socco. Petits plats délicieux et surprenants, qui se dégustent devant une vue imprenable sur la plus célèbre place de Tanger. BHL et les autres... Atmosphère identique à L'Africain (en attendant sa réouverture prévue en 2010), cuisine nouvelle à l'entrée de la kasbah, restaurant ouvert par un ami de Jamel Debbouze et qui propose notamment des desserts exceptionnels et des glaces faites maison, même lorsque le service est un peu lent car le staff dans les premières semaines de l'ouverture semblait avoir oublié que plus personne ne va vraiment au restaurant pour y rester plus d'une heure et demi, deux heures à tout casser ! Tanger, c'est ça, avec sa famille italienne qui tient un excellent Anna & Paolo où au minimum la très bonne pizza et le sourire sont toujours de rigueur. Tanger change et cela se voit sur ce qui se construit du côté de la baie et du cap Malabata, comme sur la route côtière qui relie la ville à Asilah. A Tanger, partout, la montagne flirte avec la mer et vice-versa. La corniche récemment ouverte entre le port et les quartiers de Dradeb et de Boubana permet de rouler sur un macadam tout neuf, vraiment au bord de l'eau et des rochers avec au-dessus de sa tête la maison de Bernard-Henry Lévy, celle du philantrope irakien Nizar Al Nakeeb ou celle de Jean-Louis Scherrer. Redécouvrir Tanger, c'est voir en cette nouvelle corniche, la révélation de ce qui constitue Tanger : un lien entre le bleu de la mer et le vert de la montagne, avec le rocher de Gibraltar au loin et Jebel Moussa, là-bas, à l'Est, comme si l'on voulait quitter le détroit et rejoindre la Méditerranée. La magie de la nature et de la mer sont toujours au détour d'un chemin, d'une ruelle de la médina. La 2ème édition du festival Tanja Latina qui a duré 4 jours, dans un espace nommé Palais Moulay Hafid des Institutions Italiennes, a très vite pris en ville. Ici, on parle arabe et tarifit, mais aussi beaucoup espagnol et français. La musique latina, c'est l'Espagne, mais c'est aussi et surtout Cuba et la Colombie, le Brésil et le tango argentin. Quand l'occasion de sortir le soir à Tanger se présente, il faut la saisir, que ce soit pour un air de jazz ou de salsa, une danse de flamenco ou une ghaita sur la place des Nations. Car le reste du temps, les nuits de Tanger sont glauques. C'est fun une fois tous les 5 ans pour ne pas mourir idiot, si l'on est un étudiant en anthropologie ou pour savoir un tant soit peu de quoi l'on parle... Du côté de Cap Spartel... Toutefois, le visiteur de Tanger doit garder ses yeux grands ouverts et son esprit vierge d'idées préconçues. Ce n'est parce que la ville ignore le tourisme de masse, qu'elle n'en n'est pas moins un réservoir immense de surprises. Au contraire. Du côté du cap Spartel, on découvre un phare centenaire avec à son ombre un café et une terrasse qui vous offrent l'immensité bleue de l'océan atlantique. Un peu plus loin au fameux Mirage, une plage longue de plusieurs kilomètres s'étale à perte de vue jusqu'aux reflets des remparts, d'Asilah l'ancienne cité portugaise. Tout cela avec vue sur la future villa de plage de Felipe Gonzalez en personne. Pour dormir à Tanger, n'hésitez pas à sortir des sentiers battus ou à redonner dans le classique, mais évitez le plastique où l'établissement formaté au moderne sans généralement le service qui va avec. Les plus audacieux et les plus bohèmes essaieront le Continenal, un 3 étoiles vieillot avec une terrasse splendide et une vue imprenable sur le port et la baie ; sinon les maisons d'hôtes commencent à pousser, mais il n'y en a pas 1000 comme à Marrakech. Juste une petite demi-douzaine, avec des tarifs élévés pour certaines comme la Villa Joséphine ou Nord Pinus. Qu'importe, il restera toujours l'éternel El Minzah qui malgré son usage intensif de stagiaires de l'école hôtelière locale reste mythique et charmant ; et ceci explique peut-être cela. Tanger, courrez-y. Pour y causer géopolitique aux Medays, pour de la salsa ou du jazz, un salon de l'immobilier ou du flamenco. C'est au bout de l'autoroute là-haut vers le nord, avec vue sur Tarifa et ses adolescents clandestins en embuscade pour une place «au noir» dans un semi-remorque. A Tanger, au Maroc, l'ailleurs n'est jamais très loin non plus. Son charme, son mystère peut-être, de plus en plus. Jamal Amiar, Tanger