Le Maroc occupe la 89ème place au classement de l'Indice de perception de la corruption de 2009. Enquête sur un phénomène qui se banalise. Achaque publication des résultats de l'Indice de perception de la corruption de Transparency International, le Maroc dégringole. Serions-nous un peuple de corrompus ? Qui se complairait dans cette situation car en l'espace de 10 ans, le Maroc a perdu 44 places ? Pour Transparency International, «l'Indice de perception de la corruption a pour objectif de mesurer la corruption du secteur public». Aussi, les enquêtes diligentées se penchent sur la corruption des fonctionnaires, les marchés publics, les détournements de fonds et surtout «la vigueur et l'efficacité des efforts déployés par les pouvoirs publics en matière de lutte contre la corruption». Les faits maintenant : le Maroc s'est classé à la 89 éme place sur 180 pays, soit une note de 3,3 points sur 10 selon l'Indice de perception de la corruption en 2009. «Six agences d'enquêteurs ont travaillé sur le Maroc. Le pays est inclus dans ce classement depuis 1999, il avait enregistré une note de 4,7 et se plaçait à la 45ème position», explique Azedine Akesbi, secrétaire général de Transparency Maroc. Le classement n'a-t-il jamais été «positif»pour le royaume ? «Une légère amélioration en 2000», se souvient-t-il. Et il poursuit : «A l'époque, de grands projets de lutte contre la corruption avaient été annoncés par le gouvernement. Ce qui s'était concrétisé par la création d'une commission de lutte contre la corruption, auprès du ministère des Affaires générales, portefeuille détenu à l'époque par Ahmed Lahlimi. Elle était essentiellement composée de représentants de la société civile. Mais très rapidement, elle s'est transformée en une commission de moralisation de la vie publique». Sentiment d'impuissance... Des signaux forts qui ne semblent plus faire le même effet. «La question majeure consiste en ce décalage important entre un discours «fort» au niveau du chef de l'Etat et la réalité du terrain. L'un prône la lutte contre la corruption et l'autre vit toujours au rythme d'une économie de rente», poursuit Azedine Akesbi. La bataille serait-elle irrémédiablement perdue ? Et c'est en toute sincérité qu'il répond : «nous ressentons un véritable sentiment d'impuissance et ce, tant que la notion d'impunité continuera à sévir». Ce sentiment est largement partagé dans le pays. Dans le cadre des enquêtes d'intégrités, publiées en septembre dernier, par Transparency Maroc, les 1000 ménages interrogés avancent comme raison principale à la prolifération de la corruption du secteur public : l'absence de sanction essentiellement. Dans le même esprit, les experts de Transparency Maroc indiquent : «il existe des lois et des règlements qui sanctionnent et pénalisent théoriquement les corrupteurs et les corrompus, mais l'application de ces lois est loin d'être une chose acquise». Et de poursuivre : «en plus des difficultés liées à l'absence de preuves, les enquêtés soulignent que non seulement la corruption ne régresse pas mais qu'il arrive aussi que les supérieurs hiérarchiques exercent des pressions sur leurs subordonnés pour qu'ils se laissent corrompre». Dans la vie publique, les exemples des affaires restées en suspens devant la Justice ne manquent pas : CIH, CNCA ou encore CNSS. Cela fait six ans que la commission parlementaire en charge du dossier de la CNSS a adressé une requête à la Justice. A l'heure actuelle, la Justice n'a toujours pas tranché. Argument avancé : la commission d'enquête n'aurait pas mis à la disposition des juges les documents relatifs à l'affaire. La remarque de Azedine Akesbi est sans appel : «La situation est dramatique. Nous avons l'impression que les lois existantes ne servent à rien. D'ailleurs, les textes d'application ne voient toujours pas le jour». Avis partagé par un large échantillon des chefs d'entreprises et des ménages, interrogés par Transparency Maroc. «Ils pensent qu'il n y a pas de volonté politique «gouvernementale» pour se pencher sérieusement sur ce phénomène». Circonstance aggravante : les textes de lois adoptés, destinés à contrer le phénomène de la corruption souffrent de manquements flagrants. Tel est le cas de la Loi portant sur la déclaration du patrimoine. «Adoptée par les deux chambres du Parlement, elle souffre de plusieurs faiblesses», souligne à ce propos Azedine Akesbi. Tout d'abord, le chef hiérarchique de la commission de suivi des déclarations de patrimoine, n'est autre que le ministre de la Justice. Il en résulte une situation de conflit d'intérêts, car il est également soumis à cette législation. Par ailleurs, l'organe de contrôle, qui se trouve être la Cour des comptes, ne possède pas les moyens humains pour faire le suivi de l'ensemble des déclarations de patrimoine. Et enfin, les dispositions sont générales, elles concernent à la fois les fonctionnaires de l'Etat et les ministres. «En principe, ces deux catégories de commis d'Etat devraient être régies par des textes différents», précise-t-il. Des amendements sont donc à prévoir. Encore faut-il qu'une volonté politique réelle se manifeste. Imane Azmi