C'est la fin du secret bancaire. Désormais, toutes vos données seront compilées par un prestataire privé : Experian Maroc. Prévu initialement pour mars 2009, puis pour septembre 2009, la nouvelle centrale des risques, gérée par Experian Service Maroc, entre enfin en activité. Il aura fallu que Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, tape du point de la table, lors du conseil de la monnaie et de l'épargne, pour que le projet soit enfin opérationnel. Désormais, et à partir du lundi 26 octobre, toute la clientèle des banques, des sociétés de financement et même celle d'organismes de micro crédit est fichée. Et avant d'accorder un crédit, ces établissements sont obligés de consulter la nouvelle centrale, dite «credit bureau». Celle-ci leur fournit une fiche complète sur le demandeur de crédit. Une fiche qui comporte toutes sortes de renseignements sur le client : situation financière, crédits en cours, liste des engagements, historique et échéancier de paiement, historique des incidents de paiement… Bref, tout ce dont un établissement de crédit a besoin pour se faire un avis objectif sur la solvabilité du client. Mais ce n'est pas tout. Outre les informations fournies, il est prévu dans une seconde étape de déployer tout un système de rating, lequel devra donner des notes (sur une échelle de 1 à 10) pour tout demandeur de crédit. Des notes qui devront renseigner directement les établissements de crédit sur le degré de solvabilité de leurs clients. Touche pas à mes données bancaires ! Mais si le dispositif de consultation est fin prêt depuis lundi, les établissements de crédit ne le sont pas tous. «Il y a des tests qui ont été réalisés. Mais le système n'est pas complètement généralisé. Banques et sociétés de financement doivent intégrer cette nouvelle donne dans leur système d'informations», confie Aziz Cherkaoui, président de la section crédit à la consommation chez l'association professionnelle des sociétés de financement (APSF). Ce cadre de Bank Al-Maghrib, délégataire du service, confirme par ailleurs que «le déploiement global du système de consultation devra être généralisé à partir de janvier 2010». En attendant, se pose toujours la question du fameux secret bancaire. En transmettant des renseignements aussi détaillés sur la clientèle des banques à Experian Maroc, qui reste avant tout un opérateur privé, quoique délégataire d'un service public, n'y a-t-il pas ici violation du fameux secret bancaire ? «Incontestablement oui. Et tout client de banque peut avoir gain de cause en cas de poursuite judiciaire», répond cet avocat d'affaires casablancais. La loi bancaire est en effet claire sur ce point. Dans son article 79, elle stipule que «toutes les personnes qui participent à l'administration, à la direction ou à la gestion d'un établissement de crédit, ou qui sont employés par celui-ci, sont strictement tenues au secret professionnel pour toutes les affaires dont ils ont à connaître». Responsabilité partagée «Transmettre des infos sur les clients à Bank Al-Maghrib, qui est l'autorité de tutelle, n'est pas considéré comme une violation de cet article de loi, mais les transmettre à une entité privée peut éventuellement l'être. Le risque juridique existe bel et bien», explique notre juriste. C'est d'ailleurs cette problématique qui a provoqué des réserves de la part des banques et qui les a poussés à retarder leur accord en exigeant de la part de Bank Al-Maghrib des garanties pour se protéger d'un éventuel recours judiciaire des clients. «On parlait même un certain moment d'une réforme pure et dure de la loi bancaire pour baliser le terrain au nouveau gestionnaire de la centrale des risques. Mais cette piste a été mise à l'écart, tant la procédure à suivre est longue et fastidieuse», révèle ce banquier. Pour pallier à cette problématique, BAM a décidé de couper la poire en deux. Dans le contrat qui lie Experian Maroc aux établissements de crédits, les responsabilités ont été partagées. Si la fuite d'informations provient d'Experian, c'est sa responsabilité qui est entièrement engagée en cas de recours judiciaire. Sinon, ce sont les banques (dits usagers dans le contrat) qui paieront les pots cassés ! Mehdi Michbal