Depuis quelques années, quelques happy few découvrent les plaisirs de la navigation, un hobby élitiste encouragé par la multiplication des projets de marinas. De quoi faire naître un nouveau business prometteur… Hicham, médecin casablancais, est ce qu'on peut appeler un homme aisé, l'archétype du quadra qui a réussi : grand appartement dans un quartier huppé, une résidence secondaire à Marrakech et une rutilant coupé allemand dans le garage. Mais depuis plusieurs années, il n'a qu'un seul rêve : acquérir un bateau. Cet été, après une longue année de labeur, il décide enfin de sauter le pas. D'autant que la tenue en juin dernier du Morocco Nautic Expo, premier salon du genre dans le royaume, est l'occasion rêvée de le faire. Et ça ne rate pas : dans les couloirs du Palais des expositions de Casablanca, Hicham a le coup de foudre pour un magnifique hors-bord Honda. Montant de l'achat : 70 000 DH, le prix d'une Dacia Logan, à payer cash. Notre médecin signe sans hésitation le chèque et se voit déjà voguer sur l'océan sur sa monture flambant neuf. “Honnêtement, ce n'est pas cher payé. J'adore naviguer, il y a une dimension de liberté et de rêve qui n'a pas de prix à mes yeux”, confie-t-il. Comme Hicham, une nouvelle clientèle aisée et passionnée par les sports nautiques est en train d'émerger au Maroc. Pour Olivier Dubois, directeur général de Maroc Nautisme, structure spécialisée dans le développement d'activités nautiques au Maroc, “Il y a 20 ans, les Marocains s'intéressaient plus à la voile. Aujourd'hui, la clientèle est davantage portée sur les bateaux à moteur”. On va vite, on fait du bruit, on se fait remarquer. Et au strict plaisir de naviguer s'ajoute celui de frimer. Y a-t-il un profil type de cette nouvelle clientèle ? “Généralement, ce sont des cadres supérieurs, grands commerçants et professions libérales, plus ou moins jeunes”, explique Salwa, responsable dans une grande enseigne casablancaise, spécialisée dans les bateaux à moteur. Une clientèle qui paie le plus souvent comptant, mais pas par coquetterie. En vérité, elle n'a pas trop le choix : “Obtenir un crédit pour l'acquisition d'un bateau est un peu compliqué, explique ce banquier. Les établissements de financement sont frileux, car ils considèrent le bateau comme un produit à risque, surtout qu'il n'existe aucune formation pour la navigation”. De 70 000 à 6 millions de DH ! Et il y en a pour tous les goûts et tous les portefeuilles. Selon le type d'embarcation, la fourchette de prix est très variable, allant de 50 petits milliers de dirhams à la bagatelle de 6 millions. On s'en doute, les plus vendus en volume sont les moins coûteux, en l'occurrence les bateaux pneumatiques ou bateaux pliables, plus communément appelés zodiacs. “Il faut compter environ 56.000 DH pour un zodiac de petite taille, idéal pour les petites familles, disposant surtout d'un petit budget”, précise Salwa. Et à mesure que la taille s'allonge, le nombre de zéros sur le chèque fait de même : “Pour les grands modèles, avec des moteurs plus puissants, les prix oscillent plutôt entre 500 000 et 1,5 million de DH, poursuit notre interlocutrice. Nous en vendons environ une cinquantaine par an”. Pas mal, pas mal… Les bateaux de plaisance ne sont pas en reste. Et là aussi, les prix restent fonction de la longueur de l'engin, et le bateau sera bien entendu plus cher s'il est habitable. Dans cette catégorie, on ne trouve rien en dessous d'un demi-million de dirhams. Mais à partir des 2 millions de dirhams, on entre dans la catégorie du luxe par excellence : les yachts. Un segment de produits où l'on parle de mètres, mais aussi d'aménagements, d'équipements hi-tech et de décoration, facteurs au gré desquels la facture atteint aisément les 6 millions de dirhams. À ce tarif, les bons de commande ne pleuvent évidemment pas, mais les importateurs ne se plaignent pas : à raison d'une dizaine de bateaux de plaisance par an, le chiffre d'affaires est relativement correct. Les professionnels s'attendent surtout à des lendemains meilleurs, avec la croissance annoncée des marchés du nautisme, accompagnant la multiplication des projets de grandes stations balnéaires. Mais pas seulement. Voir la mer et… être vu Car si les marinas sont en train de fleurir un peu partout (sur le papier pour le moment), les sports nautiques et de navigation deviennent font de plus en plus d'adeptes. Les machines de mer intéressent autant les particuliers que les prestataires de service qui espèrent, par le biais de la location, démocratiser le nautisme. L'exemple des sorties d'entreprise est parlant. “Les régates team building en mer attirent de plus en plus d'entreprises, affirme Olivier Dubois. Nous sommes sur un projet d'acquisition de 5 voiliers habitables pour croisière rapide d'ici à 2010”, ajoute-il. Objectif : vendre l'embarcation comme un outil de communication à des entreprises désireuses de “communiquer autrement”. Pour louer un bateau, il suffit d'appeler les quelques structures spécialisées, implantées à Casablanca ou à Tanger. Les tarifs ? Pour un voilier habitable de 12 mètres, comptez un prix de départ avoisinant les 8.500 DH pour un week-end. Rien de réellement prohibitif pour une entreprise, certainement pour le particulier lambda. Ce dernier peu se rabattre sur la voile légère, que l'on peut trouver à la location dans tous les petits ports du pays. Les rbatis retrouvent ainsi les joies de la navigation de plaisance depuis l'avènement de la Marina du Bouregreg. Allant de 30 à 80 DH la balade, les skippers de fortune ont cependant ordre de ne pas s'approcher de trop près de la nouvelle marina. “De plus, on devrait bientôt interdire nos embarcations et nous en imposant d'autres à moteur, auquel cas nous n'auront plus le droit de naviguer”, raconte l'un d'entre eux. Nezha Maachi