Jeudi dernier, l'équipe internationale du joaillier Cartier est venue présenter ses nouvelles collections à la presse marocaine. L'occasion pour le Soir échos de faire le point sur la situation de la maison Cartier, installée au Maroc depuis bientôt six ans, avec Olivier Gay, directeur marchés émergents (Russie, Moyen-Orient et Afrique) et export. Cartier est un joaillier depuis 1847 qui crée des pièces d'exception. Les valeurs de la maison, ce sont le choix des meilleurs matériaux, la meilleure technique en termes de sertissage et les plus belles créations. Le travail de Cartier a rapidement conquis une clientèle très haut de gamme notamment les familles royales dans le monde entier. Ensuite, l'horlogerie a été développée. La famille Cartier a toujours été très novatrice. Les fils de Louis Cartier sont allés aux quatre coins du monde pour s'inspirer des créations de pays comme l'Inde, le Moyen-Orient, la Russie et la Chine et pour y acheter des pierres précieuses. Ils ont voyagé pour enrichir la création et ramener les plus beaux produits. Aujourd'hui, avec 280 boutiques dans le monde, on est présent sur tous les continents. Après l'Europe et les Etats-Unis, on s'est bien implanté en Asie, en commençant par le Japon avec une quarantaine de boutiques. Depuis une dizaine d'années on se développe en Chine (32 boutiques) mais aussi en Russie et au Moyen-Orient. C'est une aventure passionnante car on va là où les gens veulent que l'on soit. Six ans après l'ouverture de votre première boutique à Casablanca et un an après votre implantation à Rabat, quel bilan tirez-vous ? Casablanca a été la première boutique ouverte en Afrique. Le bilan est très positif. On est très content. On a largement dépassé les objectifs que nous nous étions fixés. On avait déjà beaucoup de clients marocains qui achetaient en Europe. Les résultats ont été tellement bons à Casablanca que l'on a pu ouvrir une belle boutique à Rabat. Ca nous a donné des ambitions encore plus grande. Avez-vous l'intention de vous implanter dans d'autres villes du Maroc ? Oui, Marrakech est la prochaine étape. Mais c'est très difficile de trouver un emplacement. Et on ne se précipite jamais car on veut le meilleur emplacement. On cherche depuis quelques années, mais on est sur de bonnes pistes. On espère pouvoir ouvrir dans les 18 mois. Ce sera toujours avec Kenza Bencherki ? Oui, bien sûr. C'est une très bonne ambassadrice pour Cartier et l'on ne change pas une équipe qui gagne. Vous avez d'autres villes en vue ? On fonctionne étape par étape. Le Maroc est-il touché par la crise internationale ? C'est difficile à dire. On est sur du très haut de gamme, on n'est pas dans le profil de consommation courante. On ne peut pas dire que nous sommes réellement touchés. Il y a eu un ralentissement de la croissance, mais elle est déjà repartie. On est sur un segment de produits qui est moins mode. Notre marque a une forte notoriété et on représente des valeurs sûres. En temps de crise, il y a un phénomène de retour sur les basics. On est rassuré par les noms. C'est pour ça qu'on n'a sûrement moins souffert que des marques qui sont moins légitimes sur les secteurs de l'horlogerie et de la joaillerie. Même au niveau mondial, on n'a pas trop souffert. Pensez-vous qu'avec la crise, les pays émergents sont le nouvel eldorado du luxe ? ça a déjà commencé. On est là pour être rentable et pour nous rapprocher de nos clients. On n'est là où les clients sont. C'est pour cela qu'on a développé la Russie, le Moyen-Orient et l'Asie. Et oui, la part des pays qu'on appelait émergents va certainement un jour devenir plus importante que les pays matures. Trouve-t-on au Maroc les mêmes collections que dans les autres pays du monde ? Oui, bien sûr. Il y a même plus de choix en montres joaillerie que dans certaines boutiques françaises parce qu'il y a un véritable engouement pour ces montres au Maroc. En revanche, il y a peut-être moins de produits «initiation» parce que les Marocains sont déjà initiés. Et en plus, il y a un vrai désir de produits créatifs avec des pierres et un design important. Quels sont vos best-sellers au Maroc ? Le créatif et tout ce qui demande beaucoup de travail de la part de nos designers marchent extrêmement bien : les collections Panthère, Caresse d'Orchidée. Dans l'horlogerie, c'est la collection Captive. La haute horlogerie a aussi beaucoup de succès au Maroc. Les gens sont à la pointe de la nouveauté et de la technologie. Plus la montre a une complexité technique importante et plus elle est demandée. Ce sont les séries très limitées qui marchent le plus. C'est aussi un investissement. On n'achète plus une montre pour le plaisir d'acheter une montre mais parce qu'on sait qu'elle prendra de la valeur. C'est comme un tableau. C'est une véritable pièce d'art. La collection d'horlogerie haute joaillerie «cirque animalier» qui se compose de trois modèles par an en 50 exemplaires est par exemple très demandée ici. La nouvelle main de Fatma est-elle exclusivement réservée au Maroc ? Oui, mais ce sera une exclusivité limitée dans le temps, elle a des adeptes au Japon… Pratiquez-vous les mêmes prix qu'en France ? Oui, exactement les mêmes. On a la chance que le Maroc n'applique plus les droits de douane sur notre secteur. Etes-vous touché par le phénomène de la contrefaçon ? Oui, comme toutes les grandes marques. Il y en a qui disent que c'est la rançon du succès. Avez-vous une stratégie pour lutter contre ce fléau ? On essaye de remonter les filières au niveau international pour démanteler les réseaux. Pour les montres, c'est facile. On décortique le mouvement et on sait d'où viennent les composants. Il se trouve que la plupart du temps, ils proviennent de Chine. On mène des actions avec la collaboration des gouvernements. Les douanes jouent de plus en plus le jeu, y compris les douanes marocaines qui nous appellent dès qu'il y a un doute. Et on fait des actions conjointes avec d'autres marques. Il y a aussi des règles éthiques que les contrefacteurs ne respectent pas. Alors que nous nous attachons, on s'attache à être irréprochable du début à la fin. On sait d'où viennent nos pierres et on fait en sorte qu'elles ne proviennent pas de pays où il y a des doutes sur le travail des enfants ou le financement de conflits armés. On maîtrise nos filières. En dehors du fait que ça nuit à notre image, la contrefaçon vient saboter tout un travail d'éthique que l'on mène depuis des années. Vous venez de lancer le service de la bague de fiançailles sur mesure. Pensez-vous que c'est l'innovation qui fait la différence ? Bien sûr. On a toujours été novateur. La première montre avec un bracelet en cuir, c'est Cartier, la première montre étanche, c'est Cartier, de nombreux premiers mouvements, c'est Cartier. La boucle déployante, c'est encore Cartier. On a de beaux produits mais on doit maintenir notre avance et mettre tout en œuvre pour satisfaire un consommateur de plus en plus exigeant.