La Turquie accentue la pression sur Israël pour lui faire accepter une enquête internationale. Il n'y aura pas de normalisation des relations entre la Turquie et Israël si ce pays refuse une enquête de l'ONU. Il n'y aura pas de normalisation des relations entre la Turquie et Israël si ce pays refuse une commission d'enquête indépendante de l'ONU sur le raid israélien meurtrier sur la flottille d'aide à Gaza, a déclaré lundi 7 juin le ministre turc des Affaires étrangères. Ahmet Davutoglu a exhorté l'Etat hébreu à «donner son feu vert à la création de la commission prévue par le droit international et proposée par les Nations unies». Si Israël donne son accord pour une telle commission, «les relations vont naturellement prendre une autre direction», a précisé le ministre, mais «s'ils continuent d'échapper à cela, il ne saurait être question d'une normalisation des relations turco-israéliennes». Lundi 31 mai, la marine israélienne a abordé dans les eaux internationales le ferry turc Mavi Marmara, «navire amiral» de la flottille acheminant quelque 700 militants pro-palestiniens et plusieurs tonnes d'aide humanitaire. Neuf Turcs, dont un Turco-Américain, ont été tués par balles lors des affrontements. A la suite de cet incident, la Turquie a rappelé son ambassadeur et le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé une enquête «impartiale» sur l'assaut, appuyée mercredi par une résolution du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Proposition immédiatement rejetée par Israël, qui qualifie l'opération de la flottille de «terroriste», malgré la pression de la communauté internationale. Depuis la Turquie n'a cessé d'accentuer la pression, excluant l'Etat hébreu de manœuvres militaires conjointes, essentielles pour l'armée de l'air israélienne, dont l'espace aérien est très limité. En refusant de se soumettre à une enquête indépendante, Israël perd un précieux allié dans la région. La Turquie a une position stratégique. Bien que dirigée par un gouvernement islamique, elle a une tradition laïque garantie par son armée. Pays à majorité musulmane, elle est membre de l'Otan et aspire à entrer dans l'Union européenne. Son espace aérien fut un passage obligé pour les opérations américaines dans la région. Sa situation géographique, entre l'Asie, le Moyen-Orient et l'Europe et ses nombreuses frontières, en font un chemin idéal pour l'approvisionnement énergétique des pays occidentaux. La Turquie joue un rôle médiateur dans la région depuis plusieurs années, notamment entre Israël et les pays arabes. Toutefois sa relation avec l'Etat hébreu s'est considérablement dégradée depuis l'offensive de Tsahal dans la bande de Gaza en janvier 2009. Lundi la Turquie s'est dite prête à jouer un rôle actif pour parvenir à une réconciliation entre les factions palestiniennes rivales du Hamas et du Fatah. «Dire que le Fatah est une organisation avec laquelle on peut discuter et le Hamas une organisation terroriste est une grande erreur», a estimé le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. A l'occasion de la conférence asiatique qui s'est déroulée à Istanbul, elle a de plus invité les dirigeants russes, iraniens et arabes présents à sanctionner l'Etat juif et à demander la levée immédiate du blocus de Gaza. «Le temps est venu de lever l'embargo imposé à Gaza», a dit le Premier ministre turc lors d'une conférence de presse avec le président syrien Bachar al Assad, ajoutant : «Nous ne voulons plus voir dans le monde de prison à ciel ouvert». Israël, invité à la conférence sur la sécurité dans la région, n'a envoyé qu'un diplomate de son consulat, ne souhaitant pas exposer un émissaire de plus haut rang. Autre illustration des tensions entre les deux pays, les soldats israéliens ont reçu ordre, dimanche, de ne plus se rendre en Turquie dans le cadre de missions militaires ou pour des raisons «privées». Le même jour, l'Etat hébreu, par la voix de son ambassadeur à Washington, a rejeté toute tentative de conduire une enquête internationale sur son raid meurtrier. «Israël est une démocratie, Israël a la capacité et le droit de mener une enquête interne, pas de faire l'objet d'une investigation par un quelconque comité international», a déclaré Michael Oren. Il a précisé que si le gouvernement israélien discutait avec le président américain Barack Obama de «la manière dont sera mise en place une enquête interne», Israël n'avait aucune intention d'accéder à la demande de nombreux pays et d'accepter une enquête indépendante sur les événements du 31 mai. Bien que le raid a provoqué un tollé international illustré par des manifestations populaires dans de nombreux pays, Michael Oren, s'il a évoqué la «tristesse» d'Israël devant la détérioration de ses relations avec la Turquie, a affirmé que son gouvernement ne présenterait pas ses excuses à son homologue turc. «Nous regrettons qu'il y ait eu des victimes, particulière ment des victimes israéliennes», a-t-il insisté en parlant des nombreux blessés. L'ambassadeur a en outre estimé que le raid n'avait pas tendu les relations d'Israël avec l'administration américaine, dont les intérêts sont liés à ceux de l'Etat hébreu dans la région. «Pendant tous ces jours de discussions avec l'administration, je n'ai pas entendu une seule critique ou un propos rancunier», a-t-il assuré. Mardi, Israël a annoncé la création d'une commission d'enquête civile dont le mandat sera limité aux aspects juridiques du blocus de la bande de Gaza et de l'opération en mer. Selon les médias israéliens, qui se montrent très critiques sur l'efficacité d'une telle commission, elle sera composée de juristes et d'anciens hauts diplomates israéliens tandis que deux juristes étrangers devraient être désignés comme observateurs. La commission n'aura pas le mandat d'interroger les soldats et officiers qui ont participé à l'opération contre la flottille. Selon la radio militaire, plusieurs juristes israéliens renommés contactés par le gouvernement ont refusé d'intégrer cette commission en raison de son mandat trop limité. En attendant, l'armée a entamé sa propre enquête interne en créant une «équipe d'experts», composée de généraux de réserve, qui devra «examiner le déroulement de l'opération et en tirer les leçons». Elle devra remettre ses conclusions d'ici le 4 juillet. «Nous ne voulons plus voir dans le monde de prison à ciel ouvert», Erdogan.