Il est 8h du matin et déjà pléthore de personnes se tiennent debout attendant impatiemment l'arrivée du bus. Celui qui arrive au loin, dévoile son aspect décrépit et affirme ses quinze ans d'âge. Au fur et à mesure qu'il avance vers l'arrêt de bus pour prendre les passagers, les stigmates du manque d'entretien apparaissent flagrants. Une partie du pare-brise est brisée et les essuie-glaces ne fonctionnent plus, sans doute à cause d'un accident. Dès son arrivée, étudiants, fonctionnaires… se bousculent pour monter rapidement. Les portes ouvertes laissent passer un bruit tonitruant. À l'intérieur du bus, le receveur est jeune mais fait la grimace et ses longs soupires reflètent son insatisfaction du job. « Franchement, j'en ai marre de ce travail. Je suis toujours en contact avec une panoplie de personnes. Parfois, ça dégénère et les querelles commencent», regrette Ayoub avant de lâcher être à la recherche « d'un nouveau travail ». Si certains chauffeurs sont aimables et serviables, d'autres le sont moins et sont même parfois agressifs. Certains n'hésiter pas à hurler sur les usagers qui ne sont pas descendus par la porte arrière ou qui demandent de s'arrêter quelques mètres avant l'arrêt du bus. «Un jour, explique Mohammed passager d'un certain âge, j'ai failli tomber en descendant, parce que mon pied s'est coincé dans la portière du bus. Le chauffeur ne faisait pas attention. Je lui ai demandé, poliment, d'ouvrir immédiatement la porte, mais, il m'a accablé d'injures ». La peur au ventre Une fois le ticket payé, les clients tentent de gagner une place dans le bus. Les sièges sont insuffisants, inconfortables et la poussière vole de toute part. Assis, on découvre des comportements et une atmosphère propres au bus casaoui. Les fenêtres diaphanes laissent passer les rayons du soleil qui tape fort. Tout le monde est gêné et chacun cherche à sa manière une façon de dissimuler son visage. À chaque arrêt cinq personnes descendent de la porte arrière, alors qu'une dizaine montent par la porte avant. Lorsque les portes s'ouvrent elles laissent pénétrer une bouffée de chaleur qui envahit l'autobus en faisant de lui un espace suffocant. «Emprunter le bus quotidiennement est un calvaire pour moi. Je ne me sens ni à l'aise ni en sécurité.», déplore Hicham, un jeune étudiant. Plusieurs agressions et harcèlements ont lieu dans le bus. «Un jour, j'ai assisté à une scène de vol à bord. Quatre assaillants ont entouré une jeune femme et lui ont saisi son sac. Ils l'ont dépouillée de tous ses bijoux», nous confie Khadija, les larmes aux yeux, parce qu'elle aussi, un jour, a été l'objet d'un harcèlement. Quand elle voit, dans le bus, une personne dont la figure est balafrée et dont le bras est plein de cicatrices, une peur incontrôlable l'a saisit. «Un jour, je me suis assis à côté d'un jeune homme qui sentait l'alcool. Je n'arrivais pas à respirer», relate Samir. Outre le manque de sécurité, le bus ne respecte jamais ses horaires. « Le trajet d'El Bernoussi à la gare Ain Sbaa devrait durer quinze minutes en moyenne, mais chaque jour le trajet se fait en une trentain minutes en raison des nombreux retards accumulés sur la route. « Pour ces raisons je ne suis jamais à l'heure au travail », s'indigne un agent de sécurité. Un lieu de mendicité Lors d'un trajet en bus à Casablanca, on peut s'attendre à tout. Les discussions à voix haute sont très animées et il n'est pas rare d'assister à des chamailleries avec des personnes au caractère bien trempé. Lors d'un voyage dans un bus qui provenait d'Al Kodss et à destination de la Médina, une femme âgée de la trentaine, le visage bien maquillé, les cheveux bouclés et plaqués en arrière, ne cesse de parler de n'importe quoi avec n'importe qui. Les critiques fusent dans sa bouche. Elle est à deux doigts d'insulter un «grab» en train de mendier et qui lui a touché la main. Au même moment, un homme d'une cinquantaine d'années monte dans le bus. Son visage est ridé, ses dents sont cassées et pleines de carie, son bras gauche est amputé, et le droit est déformé. Avant de prononcer quelques mots pour implorer les gens de lui donner des dirhams, plusieurs mains s'étaient déjà tendues. Une femme, touchée par l'homme, lui donne 20 DHS. «Vous avez vu sa situation. Il est handicapé. Il ne peut rien faire. J'espère que lui donner lui sera utile. 20 DHS c'est très minime, c'est à peine un déjeuner et un dîner, un peu nutritif.», estime la vieille Lalla Fatima. Face à une insécurité flagrante, à des conditions insalubres de voyages, aux retards fréquents, à la mendicité, le conseil de la ville et M'dina Bus doivent trouver des solutions pour palier à tous ces problèmes et garantir des prestations de meilleure qualité. Adil Chadli ( Stagiaire)