Vous êtes ici : Actualités / A La Une / Liban : Saïda panse ses blessures Suite aux affrontements du mois dernier à Saïda – entre l'armée libanaise et la milice du leader religieux, sunnite, Ahmad Al-Assir – qui ont fait 48 morts et 90 blessés, un grand nombre de parlementaires libanais se sont rassemblés pour appeler les citoyens à la coexistence pacifique. Quant aux habitants de Saïda, troisième grande ville du Liban, ils réparent les dégâts résultant de cette vague de violence, soutenus par des Libanais d'autres régions, venus leur apporter de l'aide. Le mois sacré du Ramadan est le moment idéal pour s'unir dans un esprit de paix et de coexistence pacifique. En tant qu'habitante de Saïda, ayant directement subi la récente vague de violence, j'apprécie cela. Le dimanche 23 juin, des militants extrémistes, partisans du Cheikh Ahmed Al-Assir ont tiré sur l'armée libanaise à Abra, une banlieue de Saïda. Selon d'autres sources, cette fusillade aurait été orchestrée par les Brigades de la Résistance, liées au Hezbollah, déclenchant ainsi les affrontements qui ont duré deux jours. Quoi qu'il en soit, ce jour-là, avant la tombée de la nuit, ma maison a été encerclée par des francs-tireurs armés de RPG. Ces hommes masqués, que personne ne connaissait dans le voisinage, ont envahi notre rue. Les lignes téléphoniques, les réseaux de téléphonie mobile et l'électricité ont tous été coupés. Ma famille et moi, nous nous sommes mis à l'abri, en bas de l'escalier, dans le corridor, utilisant un matelas en guise de protection contre la fenêtre de laquelle nous pouvions être vus et qui pouvait, à tout moment, voler en éclat à cause des détonations. Nous avons passé la nuit, cachés dans l'obscurité, sans faire de bruit. Pour de nombreus habitants, cloîtrés chez eux, les réseaux sociaux ont été le seul moyen de communication avec l'extérieur, pour exprimer ce qu'ils ressentaient et ce qu'ils pensaient de ce qui se passait dans leur ville. Car au lieu de faire entendre les voix des civils innocents, la plupart des médias libanais ont utilisé les affrontements de Saïda à leur compte, pour valider leur point de vue politique et leur propre propagande. Ayant vécu ces affrontements de près, cette attitude m'a fortement déplu. Abra est une banlieue très peuplée de Saïda. De nombreux civils y ont été blessés, d'autres se sont retrouvés confinés dans leur logement. Ce calvaire a duré 36 heures. La population civile n'était pas du tout impliquée dans le conflit qui opposait les deux camps. Piégés chez nous, nous nous sommes sentis très impuissants face à cette situation. Quelques jours après les affrontements, des organisations de jeunes et d'activistes civiles ont commencé à réparer les dégâts et à panser les blessures pour favoriser un retour à la normale. Maintenant, Saïda semble aller mieux. Pour ma part, je fais du bénévolat auprès de l'organisme Bikaffi Khof (En finir avec la peur), qui recueille des données permettant d'estimer le coût des dégâts dans le but de collecter les fonds nécessaires à la reconstruction des infrastructures endommagées. - L'association Offre Joie, spécialisée dans la reconstruction des maisons détruites, a initié quant à elle, des projets de reconstruction d'habitations endommagées à Abra. Des jeunes de toutes confessions, sont venus apporter leur aide dans les quartiers touchés. La grande famille que constitue le Liban s'est trouvée ainsi réunie. Grâce aux efforts et à la générosité d'un grand nombre de personnes, Saïda se remet de cet épisode douloureux. Ma ville est connue pour l'ambiance particulière qui la caractérise durant le mois du Ramadan. Malgré cette vague de violence, les mosquées de la vieille ville arborent leurs lampions et sont ornées de fleurs et de tapis colorés. Les cafés qui longent le bord de mer et les marchés de la ville sont animés : une foule de clients écoutent de la musique, sirotent cette boisson faite de mélasse de caroube et de dates et d'eau de rose appelée jallab, et fument la pipe à eau tout en dégustant des friandises traditionnelles. Les affrontements n'ont pas changé les habitants de Saïda. Les valeurs du Ramadan – le pardon, l'union et la tolérance – sont toujours présentes dans leur cœur.