L'armée libanaise a pris le contrôle lundi d'une mosquée de Saïda, au Sud-Liban, dans laquelle étaient retranchés des miliciens sunnites, après deux jours de combats qui ont fait des dizaines de morts et de blessés. Les violences ont éclaté dimanche après l'arrestation d'un partisan du cheikh Ahmed al Assir, un imam sunnite dont les adeptes ont riposté en ouvrant le feu sur un barrage militaire. Cette explosion de violence est la plus grave qu'ait connu le Liban depuis le début du conflit en Syrie, qui alimente les tensions confessionnelles au pays du Cèdre. L'armée a dit avoir perdu 12 soldats dans les combats, mais selon des sources sécuritaires, le bilan s'élève à au moins 18 morts et 128 blessés dans les rangs militaires. Une source médicale a indiqué à Reuters qu'au moins 22 corps de miliciens avaient par ailleurs été retrouvés dans la mosquée, précisant s'attendre à un bilan beaucoup plus élevé. La Croix-Rouge a indiqué avoir soigné 94 blessés. Les violences ont éclaté dimanche après l'arrestation d'un partisan du cheikh Ahmed al Assir, un imam sunnite radical hostile à l'intervention militaire du Hezbollah chiite en Syrie, dont les adeptes ont riposté en ouvrant le feu sur un barrage militaire. Le prédicateur salafiste était, semble-t-il, toujours en fuite à l'issue de l'assaut lancé lundi dans l'après-midi contre la mosquée située dans l'est de la cité portuaire de Saïda. Selon une source sécuritaire, il aurait cependant été blessé pendant les combats. En fin de journée, un panache de fumée s'élevait au-dessus de l'édifice, tandis que retentissaient encore des coups de feu dans les rues voisines. Le bureau du cheikh Assir, situé à l'intérieur du complexe, a été totalement détruit, de même que quatre chars et plusieurs véhicules blindés de l'armée. L'armée s'est dite déterminée à arrêter ou à abattre celui qu'elle accuse d'avoir ordonné l'assassinat «de sang-froid» des soldats du barrage, dimanche. «Nous assurons tous les Libanais que l'armée est déterminée à faire cesser la contestation et qu'elle ne renoncera pas à ses opérations militaires tant que la sécurité ne sera pas pleinement rétablie dans la ville», a dit l'état-major dans un communiqué. Le cheikh Assir, dont au moins 62 miliciens ont été arrêtés dans la mosquée selon une source sécuritaire, accuse de son côté les militaires de protéger les intérêts du Hezbollah. «Venez au secours du peuple qu'on massacre !», a-t-il lancé sur Twitter. Il a par ailleurs exhorté les militaires à faire défection. Ses partisans seraient quelques centaines, mais la plupart des Libanais le considèrent comme un fauteur de troubles. Mohammad Rachid Qabbani, grand mufti du Liban, a condamné les combats et affirmé qu'il n'y avait aucune raison de s'en prendre aux forces gouvernementales. Dans un communiqué diffusé dimanche, l'état-major explique que «l'armée s'efforce depuis des mois de tenir le Liban à distance des problèmes de la Syrie et a refusé, comme on lui demandait à plusieurs reprises, de réprimer les activités du groupe de cheikh Ahmed al Assir». «Mais, ce qui s'est produit (dimanche) dépasse tout ce à quoi on pouvait s'attendre. L'armée a été attaquée de sang-froid dans une tentative d'allumer la mèche à Saïda, comme en 1975», ajoute-t-elle, évoquant le début de la longue guerre civile libanaise. Selon le juge militaire Sakr Sakr, l'imam a été convoqué «pour être jugé avec 123 de ses adeptes, dont son frère Fadil Chaker», un chanteur apprécié qui a renoncé à sa carrière pour militer avec le mouvement. Des affrontements similaires avaient déjà fait un mort mardi dans cette ville côtière en majorité sunnite. Les violences liées au conflit syrien, qui oppose le clan alaouite du président Bachar al Assad à des rebelles principalement sunnites, se multiplient au Liban depuis l'intervention militaire de la milice chiite aux côtés des forces gouvernementales. D'autres heurts ont eu lieu récemment dans la plaine de la Bekaa, où les deux grandes branches de l'islam cohabitent. A Tripoli, théâtre des premiers débordements du conflit syrien dans le nord du Liban, des hommes masqués et armés ont coupé la circulation sur les grands axes routiers pour exprimer leur solidarité au cheikh Assir. Selon les médias libanais, plusieurs mosquées de Tripoli et de Beyrouth ont appelé les sunnites au «djihad» (guerre sainte) pour soutenir le prédicateur radical.