Vous êtes ici : Actualités / Culture / Les décibels de Dar el Beida Chants d'oiseaux juste avant le lever du soleil, autour de 20 décibels. Heure de la rupture du jeun 10 db, c'est-dire les propriétés absorbantes de la harira. Une porte qui claque, environ 80 db, soit autant que le klaxon du premier âne venu. Heure de pointe sur une avenue de Dar el Beida, on frôle les 100 db, avec lesquels ne rivalisent que la sonnerie de téléphone de lhajja qui a toujours peur de rater une communication. Miloudi, excédé par les nuisances sonores a sorti son sonomètre, qui n'a jamais servi auparavant, pour tâter le pouls de sa ville à différents moments de la journée. Sachant que les décibels suivent une échelle logarithmique, une petite augmentation correspond à une forte augmentation du niveau perçu, le passage de 1 à 2 correspond donc à un son dix fois plus puissant… Miloudi voudrait lancer un projet de cartographie sonore de sa ville pour la soumettre aux autorités compétentes afin de les inciter à légiférer sur une question qui ne nécessite ni investissement ni rien d'autre qu'un peu de volonté et d'éducation civique. Dans son élan régulateur, il se demandait s'il ne fallait pas demander aux constructeurs, non pas de supprimer cet instrument d'expression de la virilité de ses concitoyens, mais de le mettre à un endroit qui ne tombe pas aussi facilement et naturellement sous la mainou de mettre en place une sorte de dotation mensuelle qui s'épuiserait au bout de dix beuglements par exemple. Histoire de ne l'actionner qu'en cas de nécessité réelle. Mais Dar el Beida sans ses klaxons, sans ses véhicules qui se faufilent comme un liquide dans le moindre interstice serait-elle encore Dar el Beida, ou bien ressemblerait-elle à ces femmes qui défient le temps à coups de bistouris et d'injections qui les transforment en momies uniformes ? Malgré cette image peu rassurante, Miloudi ne voyait aucun inconvénient à ce que sa ville puisse se reposer et reposer les tympans de ses habitants.