Miloudi souffre d'un mal bizarre depuis quelques semaines. Accro du téléphone, il meuble le moindre moment dont il dispose par une communication avec les gens qu'il aime. Avec la circulation infernale de Dar el Beida, cela lui permet de réduire la durée des trajets de manière agréable en ignorant les klaxons intempestifs et l'incivilité au volant. Sauf que depuis quelques temps, il envisage de revenir au télégraphe ou aux signaux de fumée devant le piètre état des réseaux téléphoniques dits opérationnels. En plus des trous noirs où l'on sait par avance que la communication va être coupée, le réseau télécom semble soluble dans l'eau de pluie et léger comme un fétu de paille que la moindre bourrasque terrasse. Au plus petit caprice de la météo, joindre quelqu'un devient aussi hasardeux que de tenter de sauver une baleine échouée sur la plage de Ain Diab. Quant à téléphoner sur la route, cela relève d'un voyage dans la quatrième dimension avec un réseau qui a le mal de voiture, dès que la vitesse dépasse 0 kilomètre à l'heure. Mais si cela n'était lié qu'aux aléas du ciel, le fatalisme culturel ambiant aurait incité notre standard ambulant à une résignation normale. Il se trouve que l'intermittence permanente du réseau semble répondre à quelque loi obscure inaccessible au commun des mortels. Dans cette configuration, forcément indépendante de la volonté des opérateurs, il n'existe aucun recours sinon prendre son mal en patience, recomposer le numéro et reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée, ou ranger le morceau de plastique qui sert à tromper l'ennui et l'angoisse dans la boîte à gants et se laisser bercer par une musique douce et sympathique en s'assurant que le volume couvre le chaos sonore ambiant. Pour celles et ceux qui s'attendraient à des excuses ou une remise sur leur facture, le rêve est une échappatoire gratuite.