Miloudi entretient une relation particulière avec son téléphone. Ils sont pour ainsi dire quasi-inséparables. Outil de communication, de travail, substitut aux relations amicales, le téléphone a pris dans la vie de notre héros du quotidien, la place d'une extension permanente. Pourtant depuis quelques semaines, une question taraude notre standardiste mobile. Lorsque son téléphone sonne, son interlocuteur s'attend systématiquement à une réponse immédiate, sans se soucier de savoir si cet appel vient perturber une sieste, une réunion ou un moment d'évasion quelconque. Faisant partie des gens qui ne disposent pas de messagerie, Miloudi remonte le fil du temps à travers la liste des appels «manqués». Et là, souvent, c'est une journée de travail à part entière qui commence. Il faut d'abord répondre à deux questions de la plus haute importance : -où étais-tu ? Et -pourquoi ne m'as-tu pas répondu ?Du coup, Miloudi a songé un moment à enregistrer un message qu'il diffuserait en préambule de chaque appel pour préciser sa position géographique et justifier son absence. L'homme, aux oreilles toujours rouge incandescent pour cause de ventouse téléphonique appliquée sur le visage, se retrouve de facto, amoureux de l'avion, unique et dernier espace où il est permis de disparaître du réseau téléphonique mondial. En plus, cela fait diversion aux deux questions fondamentales. Parfois, le voyage devient même l'unique sujet de la conversation faisant se demander à notre Miloudi de quoi il aurait été question si, n'ayant pas quitté le plancher des vaches, il avait répondu dans la seconde à chacun des appels reçus. Ceci dit, Miloudi ne peut se passer de son téléphone et leur relation est tellement forte qu'il ne peut même pas le perdre pour la simple raison qu'il ne peut s'en éloigner de plus de deux mètres sans qu'une alarme automatique lui serre le cœur et lui rappelle son forfait. Miloudi qui aime bien planifier les choses, sans jamais que ses prévisions se vérifient, se dit que viendra un jour, où débarrassé des contingences du quotidien, il pourra enfin remiser son téléphone et se consacrer aux communications réelles avec ses proches. En attendant, dring, dring.